Actu JuridiqueL’INCAPACITÉ DE RECEVOIR DES AIDES À DOMICILE, C’EST FINI !

Dans une décision n° 2020-888 QPC du 12 mars 2021, le Conseil constitutionnel vient de déclarer non conforme et de censurer comme portant une atteinte disproportionnée au droit de propriété des dispositions qui limitent la capacité de toutes les personnes âgées ou handicapées bénéficiant d’aide à domicile à disposer librement de leur patrimoine.

Ainsi que nous l’avions évoqué dans une note commentant la saisine du Conseil constitutionnel (voir), était soumise à l’appréciation des Sages la validité des dispositions de l’article L. 116-4 du Code de l’action sociale et des familles au regard notamment de la protection du droit de propriété du disposant.

La requérante reprochait à ces dispositions d’interdire aux personnes âgées de gratifier ceux qui leur apportent, contre rémunération, des services à la personne à domicile, sans prendre en compte leur capacité juridique ou l’existence ou non d’une vulnérabilité particulière.

Approuvant ces critiques, le Conseil constitutionnel en a déduit que l’interdiction générale contestée porte au droit de propriété une atteinte disproportionnée à l’objectif poursuivi et l’a en conséquence déclarée contraire à la Constitution.

. QUEL EST L’ÉTENDUE MATÉRIELLE DE LA CENSURE OPÉRÉE ?

Rappelons que l’article L. 116-4 du code de l’action sociale et des familles prévoit trois incapacités de recevoir :

 

•. Celle, prévue au I du texte, relative aux personnes physiques propriétaires, gestionnaires, administrateurs ou employés d’un établissement ou service soumis à autorisation, à déclaration ou à agrément, ainsi que les bénévoles ou les volontaires qui agissent en leur sein ou y exercent une responsabilité

•. Celle, prévue au II du texte, relative au couple ou à l’accueillant familial soumis à un agrément

•. Celle, également prévue au II du texte, relative aux salariés mentionnés à l’article L. 7221-1 du code du travail accomplissant des services à la personne définis au 2° de l’article L. 7231-1 du même code, c’est-à-dire les aides à domicile pour les personnes âgées ou handicapées.

Or, la censure du Conseil constitutionnel ne concerne qu’une partie de la première incapacité et la totalité de la troisième. Le conseil a en effet déclaré contraires à la Constitution les mots « ou d’un service soumis à agrément ou à déclaration mentionné au 2 ° de l’article L. 7231-1 du code du travail » et les mots « ainsi qu’aux salariés mentionnés à l’article L. 7221-1 du code du travail accomplissant des services à la personne définis au 2 ° de l’article L. 7231-1 du même code »

Les autres incapacités, non soumises à l’appréciation du Conseil, restent applicables mais n’ont pas été formellement validées. Une nouvelle censure reste donc possible, si une nouvelle saisine était effectuée.

. QUELLE EST LE CHAMP D’APPLICATION TEMPOREL DE CETTE DÉCISION ?

Si la décision s’applique bien évidemment à la requérante, qu’en est-il des autres successions ?

Selon le deuxième alinéa de l’article 62 de la Constitution, « une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l’article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel  ».

La décision ayant été publiée au JO du 13 mars 2021, toutes les successions ouvertes à compter de ce jour sont donc indéniablement concernées par l’abrogation, rétablissant la capacité de recevoir à titre gratuit des aides à domicile visées par la décision.

Par ailleurs, le Conseil constitutionnel prend le soin de préciser que la censure est applicable à toutes les affaires non jugées définitivement à cette date.

SANDRINE LE CHUITON
(CONSULTANTE AU CRIDON NORD-EST)