Actu professionnelleDONATIONS SIMPLES ET DONATIONS-PARTAGES : À QUELLE DATE SE PLACER POUR APPRÉCIER L’ASSIETTE DES DROITS DE DONATION ?

L’impossibilité matérielle de recevoir le consentement simultané de toutes les parties résultant des circonstances exceptionnelles que nous vivons actuellement suscite des interrogations civiles, mais également fiscales, spécialement en ce qui concerne l’assiette de droit de mutation à titre gratuit dans le cadre des donations entre vifs notariées.

C’est particulièrement le cas lorsque la donation est assortie d’une réserve d’usufruit au profit du donateur. Le report de la réalisation de la donation peut s’avérer à cet égard préjudiciable, en raison de la modification de la la tranche du barème fiscal fixé à l’article 669 du CGI applicable, ce qui conduit à majorer l’assiette taxable.

Qu’en est-il au regard de ce barème et plus largement pour la détermination de l’assiette du droit de donation quand dans le cadre de la donation solennelle de l’article 931 du Code civil, le consentement du donateur et l’acceptation du donataire sont constatés dans les conditions civiles partiellement dérogatoire au droit commun imposé par l’article 932 du Code civil (V. s’agissant des règles civiles : Dutheillet-Lamonthezie et J.F. Pillebout, jurisclasseur civil code article 932 à 937) aux termes d’actes notariés distincts ?

La règle fiscale est ici partiellement alignée sur le droit civil.

Élément de convergence, tant que la donation n’a pas été acceptée, elle constitue une simple pollicitation, une simple offre pouvant être rétractée (V. Jurisclasseur précité n°20).

La donation ne se forme donc juridiquement qu’avec l’acceptation du donataire.

Au plan fiscal c’est cette acceptation qui constitue par principe le fait générateur de l’impôt de mutation (V. F. Fruleux, JurisClasseur enregistrement traité v. Donations fasc. 30 n°109 ; BOI-ENR-DMTG-20-10-10, N°230).

Ainsi, l’acte constatant l’offre de donation du donateur ne donne ouverture qu’au droit fixe des actes innomés (125 euros, CGI article 680). Le droit de donation est du uniquement au titre de l’acte constatant l’acceptation du donataire.

D’une manière générale l’assiette de l’impôt notamment pour ce qui concerne le barème fiscal énoncé à l’article 669 du Code général des impôts s’apprécie à la date de l’acte constatant l’acceptation du donataire.

L’Administration fiscale confirme explicitement ce point dans sa doctrine (BOI précité n°230).

On notera qu’à cet égard, contrairement à la règle civile, le droit fiscal ne conditionne pas l’exigibilité du droit à la notification de l’acceptation au donataire (V. sur les conséquences de ce hiatus, les conséquences fiscales du prédécès du donateur à la notification de l’acceptation du donataire (F. Fruleux, Jurisclasseur précité n°110).

La donation-partage obéit sur ce point une règle dérogatoire fondée sur une jurisprudence ancienne (C. cass. civ., 11 février 1838, ( S. 1838), I, p 432).

Pour ce type de libéralités le droit de donation est du sur l’intégralité des biens transmis dès l’acception de l’un des donataires.

Le fait générateur de l’impôt est, pour l’intégralité de l’actif transmis, constitué par l’acceptation de l’un seul des donataires (V. Dict. enr., Partage (donation n°2902 ; Dict. enr., (184), V. partage d’ascendant n°146).

On sait sur le plan civil qu’un arrêt de la Cour de cassation à récemment semé le trouble sur cette question (Cour Cass. 1ère civ., 13 février 2019, n°18-11642, JurisData 2019-001941 ; C. Brenner, donation-partage, une donation-partage en deux temps trois mouvements, JCPN N°18, 6 mai 2019, 479 ; F. Sauvage, une donation-partage régulièrement formée par l’acceptation d’un seul lot ? JCPN 11 oct. 2019, 1291).

Au plan fiscal, cette exigibilité immédiate des droits est reprise dans la doctrine opposable à l’administration fiscale (BOI-ENR-DMTG-20-20-10, n°90). Elle  conduit pour ce qui concerne l’assiette des droits à se placer globalement pour l’ensemble des lots à la date de l’acceptation par le premier des donataires.

FRANÇOIS FRULEUX
(CONSULTANT AU CRIDON NORD-EST
MAÎTRE DE CONFÉRENCES ASSOCIÉ À L’UNIVERSITÉ PARIS-DAUPHINE
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