Le changement de destination consiste à passer de l’une à l’autre des destinations prévues par le code de l’urbanisme au sein des dispositions suivantes (ancien article R 123-9 code de l’urbanisme). Il convient de noter la réforme opérée par le décret n° 2015-1783 du 28 décembre 2015 qui remplaça les anciennes destinations de l’article R 123-9 au nombre de neuf par cinq destinations elles-mêmes subdivisées en vingt sous-destinations, puis en vingt et une (décret n°2020-78 du 31 janvier 2020 et arrêté du 31 janvier 2020) en distinguant en nouvelle sous-destination « les autres hébergements touristiques » qui s’autonomisèrent alors de la sous-destination « hôtel ». Le décret de 2015 prévoyait également un article 12-VI qu’énonçait que : les règles relatives au contenu des PLU dans leur rédaction antérieure au 31 décembre 2015 restent applicable aux PLU dont la révision, la modification ou la mise en compatibilité avait été engagée avant le 1er janvier 2016. Toutefois, dans les cas d’une élaboration ou d’une révision prescrite sur le fondement du I de l’article L. 123-13 en vigueur avant le 31 décembre 2015, le conseil communautaire ou le conseil municipal peut décider que sera applicable au document l’ensemble des articles R. 151-1 à R. 151-55 du code de l’urbanisme dans leur rédaction en vigueur à compter du 1er janvier 2016, par une délibération expresse qui intervient au plus tard lorsque le projet est arrêté.
Cette disposition complétée d’avec la modification en conséquence par l’administration du formulaire « CERFA » relatif aux autorisations d’urbanisme (CERFA 13406*07 et 13409*07) laissait à penser que s’organisait, du moins temporairement deux régimes juridiques :
- le nouveau dans les communes soumises au RNU, à une carte communale ou à un PLU révisé pour tenir compte de cette nouvelle réglementation.
- L’’ancien régime dans les communes n’ayant pas encore procédé à la modification de leur PLU (à l’instar comme en l’espèce de la ville de Paris).
C’est d’ailleurs ce que le juge administratif retint (TA. Paris, 7 février 2019, req. n°17-19507). Or, à l’occasion de l’appel de ce jugement, la CAA énonça que :
4. Si l’article 12 du décret 28 décembre 2015 susvisé prévoit que » Les dispositions des articles R. 123-1 à R. 123-14 du code de l’urbanisme dans leur rédaction en vigueur au 31 décembre 2015 restent applicables aux plans locaux d’urbanisme dont l’élaboration, la révision, la modification ou la mise en compatibilité a été engagée avant le 1er janvier 2016 « , tout en permettant à leurs auteurs d’opter, par délibération expresse, pour la soumission au nouveau régime, cet article, ainsi qu’il résulte de ces termes mêmes, ne concerne que le maintien des règles relatives à l’élaboration et au contenu des plans locaux d’urbanisme, et non le maintien en vigueur des dispositions de l’article R. 421-14 relatives aux autorisations d’urbanisme, dans leur rédaction antérieure au 1er janvier 2016.
5. Il résulte de ce qui précède que la ville de Paris, dont le plan local d’urbanisme a été adopté en juillet 2016, ne pouvait se fonder, nonobstant la circonstance que ce plan avait été mis en révision avant le 1er janvier 2016, sur les dispositions de l’article R. 421-14 dans leur rédaction en vigueur au 31 décembre 2015, lesquelles renvoyaient à l’article R. 123-9 du code de l’urbanisme qui distinguait, parmi les destinations les activités de commerce de celles d’artisanat. En conséquence, saisie de la demande de la société requérante, et alors que la modification projetée d’une boucherie en commerce ne relevait plus, contrairement à ce qu’il en était dans l’état du droit antérieur au 1er janvier 2016, d’un changement de destination, les articles R. 151-27 et R. 151-28 regroupant désormais au sein d’une même destination le commerce et l’artisanat, le maire de Paris ne pouvait légalement s’opposer à la déclaration préalable au motif que les travaux projetés nécessitaient un permis de construire.
Ainsi, il semblerait bien qu’on ne doit tenir compte que de la nouvelle réglementation ; et que pour l’instruction des autorisations d’urbanisme, seules les nouvelles destinations et sous-destinations seront à utiliser. On remarquera alors que, par contre, les dispositions des anciens PLU non encore « alurisés » (et donc les anciennes destinations) continueront de guider les services instructeurs dans l’appréciation du respect du document d’urbanisme par les pétitionnaires. L’écueil est important mais apparemment parfaitement identifié par le rapporteur public :
« (…) à Paris, les destinations à prendre en compte pour déterminer la procédure à suivre pour le pétitionnaire diffèrent des destinations sur lesquelles le service instructeur peut être amené à apprécier le respect par le projet des règles de fond. Les destinations et sous-destinations en vigueur depuis le 1er janvier 2016 n’interviennent donc à Paris que pour déterminer la catégorie d’autorisation d’urbanisme requise, pas pour apprécier le respect par les travaux des règles de fond du PLU. Cette distorsion n’est pas très heureuse, elle ne facilite pas la tâche des services et des pétitionnaires, mais elle ne pose pas non plus de problème tel qu’il y aurait matière à vous proposer une lecture contra-legem du décret n° 2015-1783 du 28 décembre 2015 ».
PHILIPPE DUPUIS
(CONSULTANT AU CRIDON NORD-EST)