Actu JuridiqueCIRCULATION EUROPÉENNE DU DIVORCE EXTRAJUDICIAIRE, DU RÈGLEMENT BRUXELLES 2 BIS À BRUXELLES 2 TER
La question de la reconnaissance en dehors de la France du divorce par consentement mutuel par acte sous signature privée contresigné par avocats, déposé au rang des minutes d’un notaire selon les articles 229-1 et suivants du Code civil a été et demeure l’objet de nombreuses et controversées discussions.
En Europe, on sait que depuis l’entrée en application du Règlement (UE) 2019/1111 du Conseil du 25 juin 2019 relatif à la compétence, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale, ainsi qu’à l’enlèvement international d’enfants, la circulation entre États membres participants est favorablement réglée (Cf. notre Florilège Automne 2022, Questions notariales de droit de la famille). Cependant, ce Règlement n’est applicable qu’aux actions judiciaires intentées, aux actes authentiques dressés ou enregistrés et aux accords enregistrés le ou après le 1er août 2022 (art. 100). La problématique demeurait entière pour les actes antérieurs à cette date.
Une majorité d’auteurs et de praticiens considéraient que l’instrument antérieur, le Règlement (CE) n° 2201/2003 du Conseil du 27 novembre 2003 relatif à la compétence, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale abrogeant le règlement (CE) n° 1347/2000 ne pouvait pas être invoqué pour une telle reconnaissance. Nous avions toujours défendu une position inverse, considérant que cet instrument pouvait, bien au contraire, accueillir cette nouvelle variété de divorce par consentement mutuel (Cf. nos développements in JPC 217, act. 263).
Cette interprétation favorable a été consacrée par la CJUE dans un arrêt en date du 15 novembre 2022 (voir). Dans cette affaire, la question posée était celle de l’autorisation de la transcription, dans le registre des mariages allemand, du divorce de TB et de RD, intervenu par voie extrajudiciaire en Italie, en l’absence de reconnaissance préalable de ce divorce par l’autorité judiciaire allemande compétente.
La CJUE va considérer que « il résulte d’une lecture conjointe de l’article 1er, paragraphe 1, sous a), et de l’article 2, points 1, 3 et 4, du règlement Bruxelles II bis que la notion de décision en matière de divorce vise toute décision de divorce, quelle que soit sa dénomination, qui est rendue par une autorité d’un État membre compétente, à l’exception des autorités du Royaume de Danemark. » Ainsi, « ce règlement est susceptible de couvrir les décisions de divorce intervenues au terme d’une procédure tant judiciaire qu’extrajudiciaire, pour autant que le droit des États membres confère également aux autorités extrajudiciaires des compétences en matière de divorce. » Fort logiquement, la CJUE ajoute que « il résulte de la jurisprudence de la Cour que le règlement Bruxelles II bis ne couvre que les divorces prononcés soit par une juridiction étatique, soit par une autorité publique ou sous son contrôle, ce qui exclut les simples divorces privés, tels que celui résultant d’une déclaration unilatérale d’un des époux devant un tribunal religieux (voir, en ce sens, arrêt du 20 décembre 2017, Sahyouni, C‑372/16, EU:C:2017:988, points 39 à 43, 48 et 49). ».
On peut, manifestement, en déduire qu’une interprétation identique peut être retenue pour le Règlement (UE) n° 1259/2010 du Conseil du 20 décembre 2010 mettant en œuvre une coopération renforcée dans le domaine de la loi applicable au divorce et à la séparation de corps, dit Rome 3.

DAVID BOULANGER
(DIRECTEUR GÉNÉRAL DU CRIDON NORD-EST)