Actu JuridiqueLa décision ordonnant la délivrance d'un legs de somme d'argent ne constitue pas un titre exécutoire autorisant le légataire à procéder à des mesures d'exécution forcée
Dans un arrêt rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation le 21 septembre 2022, manifestement important par le clair rappel opéré, les juges ont souligné l’incontournable distinction entre la délivrance d’un legs, qui consiste en la reconnaissance des droits du légataire et le paiement du legs, qui est la remise au légataire de ce qui est dû (v. antérieurement : Civ. 1ère, 10 mai 1988, Bull. civ. I, no 141 ; JCP N 1988. II. 229, note H. Thuillier ; Defrénois 1989. 943 obs. G. Champenois ; RTD civ. 1988. 805, obs. J. Patarin).
Dans cette affaire rocambolesque, dans laquelle le décès remonte à 1993, le légataire d’une somme d’argent avait assigné les héritiers en délivrance de son legs. Aux termes d’un premier arrêt de cour d’appel rendu le 13 mars 2012, les juges ont considéré que le légataire était fondé à obtenir la délivrance. Par suite, le légataire a, le 5 janvier 2016, fait délivrer aux héritiers tenus de procéder à la délivrance dudit legs, un commandement de payer aux fins de saisie-vente sur le fondement des arrêts des 13 mars 2012 et de cassation du 3 juillet 2013 (ce dernier arrêt rendu par la 1ère chambre civile de la Cour de cassation cassant et annulant partiellement l’arrêt rendu par la cour d’appel le 13 mars 2012). Les héritiers ont alors saisi le juge de l’exécution en contestation de cette mesure d’exécution forcée. Par un arrêt du 27 juin 2019, la cour d’appel de Versailles jugea que le commandement de payer à fin de saisie-vente signifié le 5 janvier 2016 à l’héritière était fondé sur un titre exécutoire régulier et valable. C’est ce dernier arrêt qui est aujourd’hui cassé et annulé par la Première Chambre civile de la Cour de cassation.
On en déduit que la décision prononçant la délivrance du legs, bien que revêtant l’autorité de la chose jugée, ne constitue évidemment pas un titre exécutoire mais permet seulement d’agir – nécessairement en ayant encore recours au juge – en paiement du legs … L’arrêt confirme bien que la délivrance permet au légataire d’exercer les droits et actions relatifs au legs. Il peut en réclamer l’exécution. A défaut d’exécution volontaire, il bénéficie d’une action en paiement lorsqu’il s’agit d’un legs de somme d’argent, voire d’une action en revendication sur un legs d’un corps certain (v. Dalloz Action Droit patrimonial de la famille, n° 246-31).

CLAIRE PEUBLE
(CONSULTANTE AU CRIDON NORD-EST)