Actu professionnelleDroit de la copropriété et état d’urgence sanitaire
Il faut rappeler que la loi d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 du 23 mars 2020 a habilité le Gouvernement à prendre dans un délai de trois mois à compter de sa publication, toute mesure relevant du domaine de la loi pouvant entrer en vigueur à compter du 12 mars 2020, afin de faire face aux conséquences de la propagation du covid-19 et des mesures pour limiter cette propagation.
Les ordonnances n° 2020-304 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l’ordre judiciaire statuant en matière non pénale et aux contrats de syndic de copropriété et n° 2020-306 (même date) relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant cette même période (JO du 25 mars) contiennent des mesures intéressant le droit de la copropriété.

1. RENOUVELLEMENT DU CONTRAT DE SYNDIC PENDANT LA PÉRIODE D’URGENCE SANITAIRE :

  • CONTEXTE ET OBJECTIF :

Il va de soi que le confinement des copropriétaires empêche généralement la tenue d’assemblée générale [1]. Or, on sait qu’en vertu de l’article 17 de la loi du 10 juillet 1965, les décisions ne peuvent se prendre que dans le cadre de telles assemblées, à peine d’inexistence. A cet égard, il est évidemment important que le syndic, bénévole ou professionnel, puisse toujours se prévaloir de son mandat pour exécuter les différentes missions qui lui incombent, notamment dans le cadre des dispositions générales de l’article 18 de la loi du 10 juillet 1965, et spéciales de l’article 5 du décret du 17 mars 1967 et de l’article 20 de la loi du 10 juillet 1965. En effet, le contrat de syndic est un contrat à durée déterminée, non susceptible de renouvellement par tacite reconduction.

L’article 22 de l’ordonnance 2020-304 (préc.) prévoit ce qui suit :

  • PÉRIODE CONCERNÉE :

« Les dispositions du précédent alinéa [de l’article 22] ne sont pas applicables lorsque l’assemblée générale des copropriétaires a désigné, avant la publication de la présente ordonnance, un syndic dont le contrat prend effet à compter du 12 mars 2020 ».

  • PORTÉE :

Pour assurer une pérennité dans la gestion des copropriétés, l’article 22 de l’ordonnance permet de surmonter l’obstacle relatif à la désignation d’un syndic en raison de l’arrivée à terme du contrat du syndic en exercice pendant la période de confinement.  Selon cet article, « le contrat de syndic qui expire ou a expiré pendant la période définie à l’article 1er[2] est renouvelé dans les mêmes termes jusqu’à la prise d’effet du nouveau contrat du syndic désigné par la prochaine assemblée générale des copropriétaires. Cette prise d’effet intervient, au plus tard six mois après la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire mentionné à l’article 1er de la loi du 20 mars 2020 [3] ».

 

Suivant la disposition précitée, le contrat de syndic en exercice est renouvelé jusqu’à la prise d’effet du nouveau contrat du syndic désigné par la prochaine assemblée générale des copropriétaires, qui pourra être tenue à la sortie de l’état d’urgence sanitaire, et au plus tard le 31 décembre 2020.

On ajoutera que le titre III de l’ordonnance contient un article 23 qui précise que l’ordonnance est applicable à Wallis-et-Futuna.

2. PROROGATION DES DÉLAIS ÉCHUS PENDANT LA PÉRIODE D’URGENCE SANITAIRE

  • CONTEXTE ET OBJECTIF :

L’état d’urgence sanitaire ne permet pas toujours au syndic comme au notaire d’effectuer diverses démarches et formalités dans les temps légaux et réglementaires impartis. L’ordonnance ne prévoit donc pas de supprimer la réalisation de tout acte ou formalité dont le terme échoit dans la période visée mais elle permet simplement de considérer comme n’étant pas tardif  l’acte réalisé dans le délai supplémentaire imparti.

  • PÉRIODE CONCERNÉE :

Les dispositions sont applicables aux délais et mesures qui ont expiré ou qui expirent entre le 12 mars 2020 et l’expiration d’un délai d’un mois à compter de la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire déclaré dans les conditions de l’article 4 de la loi du 22 mars 2020 susvisée[4].

  • LIMITE  :

Les délais dont le terme est échu avant le 12 mars 2020 ou les délais dont le terme est fixé au-delà du mois suivant la date de la cessation de l’état d’urgence sanitaire, ne sont ni suspendus, ni prorogés.

  • PORTÉE :

Selon l’article 2 de l’ordonnance, « Tout acte, recours, action en justice, formalité, inscription, déclaration, notification ou publication prescrit par la loi ou le règlement à peine de nullité, sanction, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité, irrecevabilité, péremption, désistement d’office, application d’un régime particulier, non avenu ou déchéance d’un droit quelconque et qui aurait dû être accompli pendant la période mentionnée à l’article 1er[5] sera réputé avoir été fait à temps s’il a été effectué dans un délai qui ne peut excéder, à compter de la fin de cette période, le délai légalement imparti pour agir, dans la limite de deux mois. Il en est de même de tout paiement prescrit par la loi ou le règlement en vue de l’acquisition ou de la conservation d’un droit » [6]

De façon synthétique, le mécanisme de report de terme et d’échéance visant les mesures précitées implique que les délais soient prorogés à compter de la fin de cette période, pour la durée qui était légalement impartie, mais dans la limite de deux mois.

Ainsi, à l’égard d’un procès-verbal d’assemblée générale notifié il y a moins de deux mois avant le 12 mars 2020 au copropriétaire défaillant ou opposant, en vertu de l’article 42 de la loi du 10 juillet 1965, on veillera à ne pas exécuter précipitamment la décision puisque le copropriétaire concerné pourrait encore assigner le syndicat en annulation de la (des) résolution(s) litigieuse(s) à l’issue de la période de l’état d’urgence sanitaire pendant une période de deux mois. L’appréciation concernerait notamment toutes les décisions de l’assemblée générale relatives au changement d’affectation d’un lot [hors cas d’unanimité des copropriétaires] en considération de stipulations contraires ou douteuses contenues dans le règlement de copropriété.

De même, en vertu de l’article 20 de la loi du 10 juillet 1965, « (…) Le notaire libère les fonds dès l’accord entre le syndic et le vendeur sur les sommes restant dues. A défaut d’accord, dans un délai de trois mois après la constitution par le syndic de l’opposition régulière, il verse les sommes retenues au syndicat, sauf contestation de l’opposition devant les tribunaux par une des parties (…)». Si l’opposition régulière a été constituée moins de trois mois avant la date du 12 mars 2020, le vendeur pourrait encore assigner le syndic à la fin de la période d’urgence sanitaire, dans le délai de deux mois (et non plus trois), ce qui empêcherait le notaire de se dessaisir trop rapidement des fonds.

On précisera que « la présente ordonnance, à l’exception de ses articles 10 et 11, est applicable dans les îles Wallis et Futuna. Elle est applicable en Polynésie française, à l’exception de son article 2 en tant qu’il s’applique à des matières relevant de la compétence de la Polynésie française » [7]

THIERRY DUBAELE
(CONSULTANT ASSOCIÉ AU CRIDON NORD-EST)

[1] Le premier alinéa de l’article 17-1 A de la loi de 1965 permettrait aux copropriétaires de participer à l’assemblée générale « par visioconférence ou par tout autre moyen de communication électronique permettant leur identification » (v. églement, art. 13-1 du décret du 17 mars 1967) ;

[2] Article 1er de l’ordonnance n° 2020-304 : Les dispositions de la présente ordonnance sont applicables aux juridictions de l’ordre judiciaire statuant en matière non pénale pendant la période comprise entre le 12 mars 2020 et l’expiration d’un délai d’un mois à compter de la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire déclaré dans les conditions de l’article 4 de la loi du 23 mars 2020 susvisée ;

[3] Article 4 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 : « Par dérogation aux dispositions de l’article L. 3131-13 du code de la santé publique, l’état d’urgence sanitaire est déclaré pour une durée de deux mois à compter de l’entrée en vigueur de la présente loi. L’état d’urgence sanitaire entre en vigueur sur l’ensemble du territoire national. Toutefois, un décret en conseil des ministres pris sur le rapport du ministre chargé de la santé peut en limiter l’application à certaines des circonscriptions territoriales qu’il précise.  La prorogation de l’état d’urgence sanitaire au delà de la durée prévue au premier alinéa du présent article ne peut être autorisée que par la loi. Il peut être mis fin à l’état d’urgence sanitaire par décret en conseil des ministres avant l’expiration du délai fixé au même premier alinéa ».

[4] Article 1er de l’ordonnance n° 2020-306 : Les dispositions du présent titre sont applicables aux délais et mesures qui ont expiré ou qui expirent entre le 12 mars 2020 et l’expiration d’un délai d’un mois à compter de la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire déclaré dans les conditions de l’article 4 de la loi du 22 (sic) [23] mars 2020 susvisée.

[5] Article 2 de l’ordonnance n° 2020-306 (préc.).

[6] Article 14 de l’ordonnance n° 2020-306 (préc.).