FlashsEXONÉRATION EN FAVEUR DE CERTAINS BIENS RURAUX : L’ADMINISTRATION CONFIRME LA SUPPRESSION DE LA CONDITION RELATIVE À LA DATE DU BAIL À L’ÉGARD DES TRANSMISSIONS RÉALISÉES À COMPTER DU 15 FÉVRIER 2025

À l’occasion de l’actualisation du BOFip-Impôts, l’Administration fiscale clarifie sa doctrine antérieure. Elle confirme la suppression de l’exigence imposée par la loi de finances pour 2025 inhérente à la date de conclusion du bail à l’égard des transmissions survenues à compter du 15 février 2025. Les nouvelles limites de 600 000 € et 20 millions d’euros instaurées par la loi de finances pour 2025 peuvent donc s’appliquer à ces transmissions y compris lorsque le bail a été conclu avant le 1er janvier 2025. L’administration octroie un second tempérament dont l’application sera plus rare en pratique. Elle admet également que les transmissions réalisées avant le 15 février 2025 peuvent aussi profiter des nouvelles limites si le bail a été conclu à compter du 1er janvier 2025.

Un épilogue est enfin donné par l’Administration fiscale à la question de la détermination des transmissions pouvant bénéficier du renforcement du régime d’exonération de droits de mutation à titre gratuit bénéficiant à certains biens ruraux réalisé par la loi de finances pour 2025 (loi de finances pour 2025, n° 2025-127 du 14 févr. 2025, JO, 15 févr. 2025, art. 70, I, G).

Cette loi a procédé à un relèvement très significatif des limites au-delà desquelles le taux de l’exonération dont bénéficient les transmissions de biens ruraux loués par bail à long terme ou cessibles (CGI, art. 793 2 3°) et les parts de certains GFA et GAF (CGI, art. 793 1 4°) est ramené de 75 % à 50 % :

– la limite de droit commun est portée de 300 000 à 600 000 €, moyennant une durée de conservation de cinq ans ;

– celle optionnelle imposant une durée totale de conservation de dix-huit ans (contre 10 ans précédemment) est réhaussée de 500 000 € à 20 millions d’euros.

La loi de finances réservait toutefois ces nouvelles limites plus favorables aux seules transmissions « pour lesquelles le bail a été conclu à compter du 1er janvier 2025 ». Cette condition réduisait considérablement la portée de la mesure, ce à quoi les praticiens devaient être attentifs. Elle suscitait de manière prévisible dans sa mise en œuvre de nombreuses incertitudes que l’Administration fiscale ne semblait pas à même de résoudre (V. F. Fruleux, Exonération en faveur de certains biens ruraux : nouveaux montants, nouvelles incertitudes, JCP N n° 11, 14 mars 2025, 1050).

C’est certainement ce qui décida la Ministre des comptes publiques  à énoncer une mesure de tempérament supprimant purement et simplement l’exigence inhérente à la date de conclusion du bail imposée par la loi.

L’instauration de cette tolérance suscita de nouvelles incertitudes engendrées par les indications lacunaires, voire contradictoires du communiqué de presse et de la réponse à une question posée par un parlementaire qui l’exprimaient (communiqué de presse n° 327 du 1er avr. 2025 ; Rép. min. à Th. Cazeneuve, JO AN, 8 avr. 2025, p. 2484). Le premier étendait le bénéfice de la mesure à toutes les transmissions à titre gratuit intervenant à compter du 15 février 2025 y compris lorsque le bail a été conclu avant le 1er janvier 2025 en ne visant que la seule limite de 20 millions d’euros. La seconde se référait bien aux deux limites de 600 000 € et 20 millions d’euros concernées, mais il ne mentionnait plus une application de la tolérance aux transmissions survenues à compter du 15 février 2025 et évoquait une « traduction » (sic) du tempérament dans le projet de loi de finances pour 2026.

Cette discordance conduisit certains commentateurs à douter de l’opposabilité même de cette tolérance à l’Administration fiscale et à considérer qu’elle ne pourrait finalement s’appliquer qu’aux seules successions ouvertes et donations consenties à compter du 8 avril 2025, date de publication de la réponse ministérielle au Journal Officiel ; les successions ouvertes et donations consenties avant le 16 février 2025 étant en toute hypothèse exclues (V. en ce sens, S. Besson, Cridon Lyon, Flash info, 11 avr. 2025, p. 3).

Nous avions, pour notre part, détaillé les raisons pour lesquelles il fallait, selon nous, voir dans ces indications une véritable mesure de tempérament opposable à l’Administration fiscale applicable aux successions ouvertes et donations consenties à compter du 15 février 2025 (V. F. Fruleux, Renforcement de l’exonération en faveur de la transmission de certains biens ruraux : tempérament significatif mais confus, JCP N n° 17, 25 avr. 2025, 555, p. 7).

Le BOFip-Impôts actualisé au cours de l’été consacre cette analyse (DGFIP Actualités, 13 août 2025 ; BOI-ENR-DTMG-10-20-30-20, 13 août 2025 ; BOI-ENR-DMTG-10-20-30-30, 13 août 2025). Il confirme que les nouveaux seuils de 600 000 € et 20 millions d’euros s’appliquent, sans restriction inhérente à la date de conclusion du bail, aux transmissions intervenant à compter du 15 février 2025.

L’Administration en profite pour énoncer un second tempérament, qui n’était pas évoqué dans le communiqué de presse, ni dans la réponse ministérielle, dont l’application sera toutefois beaucoup plus rare en pratique. Elle admet également l’application des nouveaux seuils aux transmissions intervenues avant le 15 février 2025 à condition qu’elles portent sur des biens ayant fait l’objet de baux conclus à compter du 1er janvier 2025.

Ces tempéraments sont énoncés à l’égard des transmissions portant directement sur les biens ruraux (CGI, art. 793 2 3° ; BOI-ENR-DMTG-10-20-30-20, n° 10) et  des parts des GFA éligibles (CGI, art. 793 1 4° ; BOI-ENR-10-20-30-30, n° 200).

Il aurait été souhaitable qu’assumant la portée de sa doctrine, l’Administration fiscale énonçât clairement qu’au titre des transmissions intervenant à compter du 15 février 2025, elle supprime la condition imposée par la loi qui réservait le bénéfice des nouveaux seuils aux seuls biens faisant l’objet de baux conclus à compter du 1er janvier 2025. Ce n’est pas le cas. Pour autant, il est acquis que les transmissions réalisées à compter du 15 février 2025 bénéficient bien des nouvelles limites, même lorsque le bail a été conclu avant le 1er janvier 2025. Cette conclusion s’évince des indications fournies par le BOFip qui se décompose en deux temps : l’Administration énonce, sans restriction quant à la date du bail que : « ces seuils s’appliquent aux transmissions entre vifs ou par décès intervenant à compter du 15 février 2025 » (BOI-ENR-DMTG-10-20-30-20, n° 10 ; BOI-ENR-DMTG-10-20-30-30, n° 200). Elle précise : « ils s’appliquent également aux transmissions intervenues avant cette date et portant sur des biens ruraux dont le bail rural à long terme ou le bail cessible en cours a été conclu à compter du 1er janvier 2025 ». A cet égard, l’Administration fiscale énonce bien une seconde mesure de tempérament. Nous avions détaillé les raisons pour lesquelles en raison du télescopage des dispositions générales et spéciales de droit transitoire de la loi de finances, il était souhaitable que l’Administration admette, par mesure de tempérament, l’application des nouvelles limites aux transmissions de biens ruraux grevés d’un bail conclu à compter du 1er janvier 2025, aux décès survenus et donations consenties à compter de cette date (V. F. Fruleux, Exonération en faveur de certains biens ruraux : nouveaux montants, nouvelles incertitudes, préc. note 6, p. 37).

Il résulte donc de la combinaison de ces deux mesures de tempérament que les nouveaux seuils s’appliquent :

– sans condition relative à la date du bail aux transmissions survenues à compter du  15 février 2025 ;

– aux transmissions réalisées dès le 1er janvier 2025 lorsque le bail a été conclu à compter de cette date.

Selon nous, les indications fournies par le BOFip précisant que les nouvelles limites de l’exonération à 75 % s’appliquent respectivement à compter du 15 février 2025 ou du  1re janvier 2025 devraient permettre aux redevables d’obtenir par voie de réclamation la restitution des droits versés rétrospectivement à tort.

S’agissant des parts de GFA, littéralement, l’Administration fiscale conditionne le bénéfice de la dernière mesure de tempérament à la détention par le groupement de biens faisant tous l’objet de baux conclus à compter du 1er janvier 2025. La détention par le groupement d’un actif « mixte » composé des biens grevés de baux conclus à compter du 1er janvier 2025 et avant cette date priverait globalement la transmission du bénéfice des nouvelles limites plus avantageuses

 

François FRULEUX
(CONSULTANT AU CRIDON NORD-EST)