Actu professionnelleLA SAFER SUR ORDONNANCE

Comme toutes les entreprises privées, les SAFER s’organisent et tâchent de maintenir une activité minimale. Chargées de missions de service public administratif, leur statut est toutefois « à part » car elles sont censées à ce titre assurer la continuité du service. Dans cette période troublée, chacune se structure autour de ses propres contraintes.

S’ensuit toute une série d’interrogations car ces circonstances exceptionnelles mettent à mal l’enregistrement des notifications, le système des « réponses rapides » et bien sûr l’exercice du droit de préemption tout comme la conclusion des actes amiables.

La présente fiche pratique apporte les premiers éléments de réponse suite à la parution de l’ordonnance « relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant cette même période » (Ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020, JORF n° 0074, 26 mars 2020, sous réserve de sa ratification, attendue dans les prochains jours).

1. COMMENT NOTIFIER LA SAFER DANS LE CONTEXTE SANITAIRE ACTUEL ?

Aucune obligation d’« enregistrement des notifications » ne pèse sur la SAFER. La lettre du texte impose au « notaire chargé d’instrumenter (de faire) connaître à la SAFER territorialement compétente, deux mois avant la date envisagée pour la cession » tous les éléments relatifs à la vente, ainsi que ses conditions (C. rur. pêch. maritim., art. L 141-1-1 et R 141-2-1). C’est la réception d’une notification complète qui fait courir le délai de deux mois dont dispose cette dernière pour répondre. Elle est, comme dit précédemment, tenue d’assurer la continuité du service public dont elle est chargée mais, au regard des contraintes très particulières liée à la période d’urgence sanitaire, elle a toutefois dû adapter ses modalités d’intervention.

 

En Nord-Est, les SAFER Hauts-de-France et Grand-Est se sont organisées pour assurer le traitement des notifications envoyées sous format dématérialisé. En effet, si la première a connu une interruption du service, elle l’a rétabli dès la semaine dernière (Fonctionne avec les éditeurs de logiciel Génapi, Fiducial et même Fichorga depuis peu). En revanche, aucune des deux SAFER n’est actuellement en mesure d’assurer sereinement le traitement des notifications reçues sous format papier, du fait de la fermeture de locaux, de l’organisation du travail à distance des collaborateurs et de difficultés rencontrées dans l’acheminement du courrier.

 

La SAFER Hauts-de-France, en cas d’impossibilité de recourir à la voie dématérialisée, « d’extrême urgence et pour les demandes de réponse sous 8 jours », a aussi mis en place une adresse contact (Pour les Départements du Nord et du Pas de Calais : d.fosse@saferhdf.fr et pour les départements de l’Aisne, de l’Oise et de la Somme : o.de.france@saferhdf.fr).

 

La SAFER Grand-Est invite quant à elle les notaires à contacter le service départemental concerné en cas d’impossibilité de recourir à la voie dématérialisée, uniquement pour les dossiers présentant une extrême urgence et si l’opération envisagée est soumise à son droit de préemption. En cas de non-soumission au droit de préemption (sauf cession de parts), « les notaires peuvent faire parvenir leur demande par mail au service départemental concerné. La Safer répondra à ce mail, soit en confirmant le caractère non préemptable, soit en l’infirmant et en leur demandant alors de renotifier ce projet de cession par la voie légale. Ce service sera facturé au tarif d’une réponse anticipée ».

Ainsi, les notifications papier doivent à ce jour être évitées, pour leur préférer le format dématérialisé qui reste le plus susceptible d’être traité. Il ne semble pas pouvoir être reproché aux SAFER, vu le contexte actuel, de ne pas assurer le traitement des demandes papier. De nombreux établissements ne peuvent plus accueillir de public depuis le 15 mars 2020 et le ministère du Travail a en outre donné des directives en indiquant « qu’il est impératif que tous les salariés qui peuvent télétravailler recourent au télétravail jusqu’à nouvel ordre ». En outre, si le service postal est maintenu, la distribution du courrier est souvent perturbée.

Il est essentiel de s’assurer de la bonne réception de la notification par la SAFER, seule susceptible d’ouvrir le délai (C. rur. pêch. maritim., art. L 412-8, auquel le dispositif SAFER renvoie : V. art. L 143-8 du même code ; sur le calcul du délai et sa suspension ou son interruption, V. Question 3).

2. LA SAFER PEUT-ELLE PRENDRE UNE DÉCISION PENDANT LA PÉRIODE D’URGENCE SANITAIRE ?

  • 2-1.  De quelle période parle-t-on ?

L’état d’urgence sanitaire est pour l’instant fixé à deux mois, lesquels ont commencé à courir le 24 mars 2020, poussant l’échéance au 24 mai (V. loi n° 2020-290, 23 mars 2020, JO 24 mars 2020, art. 4). Ce délai est susceptible d’être prorogé par une loi, ou raccourci par décret en conseil des ministres (Art. 4 préc., dern. al.).

L’ordonnance régissant la prorogation des délais pendant cette période d’urgence sanitaire va toutefois plus loin car elle a vocation à régir le temps qui s’écoulera entre le 12 mars 2020 et l’expiration d’un délai d’un mois après la fin de l’état d’urgence sanitaire (Ord. préc., art. 1er I). Pour l’instant, tant qu’une loi ne prolonge pas la période d’urgence ou qu’un décret ne la raccourcit pas, l’ordonnance a ainsi vocation à couvrir la période allant du 12 mars 2020 au 24 juin 2020 (24 mai + un mois).

  • 2-2.  Les SAFER bénéficient-elle des dispositions spéciales de l’ordonnance contenues dans son titre II (art. 6 à 12) ?

Si le Titre I de l’ordonnance s’adresse à tous, les dispositions spéciales contenues dans son Titre II sont réservées à certaines personnes. Elles s’appliquent notamment aux « personnes morales de droit privé investies d’une mission de service public administratif ». Le Conseil d’Etat a ainsi qualifié la SAFER à plusieurs reprises (la première fois dans l’arrêt Capus : CE, sec., 13 juillet 1968, Capus, D., 1968, p. 674 ; CE 20 nov. 1995, n°147026 ; CE 12 Juin 1996 n° 169458), lui ouvrant le bénéfice de l’article 7 qui prévoit une suspension ou un report de délai possible pour prendre ses décisions (V. art. 6 de l’ordonnance qui réserve les articles suivants uniquement aux personnes qu’il énumère).

  • 2-3.  Pouvoir de décision de la SAFER

La mesure de suspension ou de report organisée dans l’article 7 ne concerne que le délai et ne paralyse pas le pouvoir de décision de l’autorité compétente. La SAFER peut ainsi valablement décider d’exercer son droit de préemption, de même qu’elle peut y renoncer expressément (système de réponse anticipée ou de réponse expresse au bout du délai de deux mois) pendant la période de « gel temporel ».

Cette solution ressort clairement de la lecture du texte, qui n’aborde que la question des délais, mais aussi des écrits l’encadrant ce texte qui nous en explicitent « l’esprit » (V. le Rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020, JORF n°0074 du 26 mars 2020 et la circ. min. du 26 mars 2020, ref. C2/DP/202030000318/CB, interprétation de l’art. 2, p. 5). En outre, la notion même de suspension ne prive pas le titulaire du droit d’agir.

Du point de vue de la technique juridique, la question est toutefois moins évidente puisque les mécanismes de suspension ou d’interruption appartiennent tous deux au domaine de la prescription, alors que le délai de deux mois dont dispose la SAFER pour exercer son droit de préemption est un délai de forclusion. Aussi, la distinction entre prescription et forclusion n’a pas été abrogée par la réforme de la prescription en matière civile issue de la loi du 17 juin 2008. Les délais de forclusion (encore appelés délais préfix) sont soumis à un régime distinct, « sauf dispositions contraires prévues par la loi » (C. civ., art. 2220 ; Ex : interruption par l’effet d’une demande en justice : C. civ., art. 2241). Seul le relevé de forclusion permet d’interrompre un tel délai et il est beaucoup plus difficile d’établir dans ce cas s’il reste possible au titulaire d’agir pendant que le sablier du temps a cessé de s’écouler, à défaut d’élément textuel en ce sens, ni même de jurisprudence puisque le relevé sert classiquement à permettre au titulaire d’agir avec du retard et non d’allonger un délai en sa faveur alors qu’il est opérationnel.

Nous assistons ainsi à un mélange des genres. Mais l’esprit du dispositif reste de « proroger » les délais dont dispose chaque autorité afin qu’elle ne perde pas son droit à agir (V. le titre même de l’ord. : « relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant cette même période »).  Il est dommage que le texte ne l’explicite pas mais cette analyse plaide en faveur du maintien de la prise de décision des autorités concernées.

Dès lors, qu’il s’agisse d’une décision de préemption ou de renonciation anticipée expresse, le pouvoir décisionnaire de la SAFER semble maintenu par ce dispositif temporaire.

  • 2-4.  Risque autour de la décision de préemption prise par la SAFER

Sur la forme, la SAFER peut exercer son droit de préemption. Cette décision doit, à fins de validité, être « signée par le président de son conseil d’administration ou par toute personne régulièrement habilitée à cet effet » (C. rur. pêch. maritim., art. R 143-6). Elle doit être approuvée par les commissaires du gouvernement (sur la nullité d’une préemption parce que la personne ayant délivré l’accord n’avait pas cette qualité : CE, 16 oct. 1998, n° 141265, SAFER de la région Corse : Rec. CE 1998, tables p. 729) et succède la plupart du temps à l’avis consultatif du Comité Technique, qui peut se réunir à distance, grâce aux facilités que la technologie offre ou à un système de consultation électronique (V. règlements intérieurs de chaque SAFER ; A noter : l’article R 141-5 « ne subordonne nullement la légalité de la décision de préemption au recueil d’un avis de ce comité », V. CA Grenoble, 30 janv. 2018, n° 15/02722, cassé mais pas sur ce point avec renvoi par Cass. 3ème civ., 6 juin 2019, n° 18-14.283. Le renvoi nous en dira plus une fois jugé).

Néanmoins, la SAFER risque buter sur les formalités à accomplir dans le cadre de son droit de préemption (affichage en mairie, notification de sa décision à l’acquéreur évincé au vu des difficultés postales susvisées, etc…). Il reste à craindre que l’acquéreur évincé se serve de cette fragilité pour attaquer la décision de préemption une fois la période d’urgence sanitaire levée.

3. CALCUL DU DÉLAI DE RÉPONSE

L’ordonnance a vocation à « arrêter » le temps. Les notifications envoyées restent valables mais il convient de savoir comment se calcule le délai de deux mois impartis à la SAFER pour prendre sa décision, au-delà duquel l’absence de réponse vaudra renonciation tacite.

  • 3-1.  Notification ouvrant le droit de préemption de la SAFER
J’AI ADRESSÉ UNE NOTIFICATION À LA SAFER AVANT LE 12 MARS :
  • 1er

Le délai de deux mois est venu à expiration avant le 12 mars, sans que la SAFER n’ait pris de décision de préemption : la renonciation implicite au droit de préemption est acquise et définitive.

  • 2ème

Le délai de deux mois était « en cours » le 12 mars (notification réceptionnée par la SAFER après le 11 janvier) :  l’article 7, alinéa 1er, de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 prévoit que « les délais à l’issue desquels une décision (….) est acquis[e] implicitement et qui n’ont pas expiré avant le 12 mars 2020 sont, à cette date, suspendus jusqu’à la fin de la période [d’urgence sanitaire] mentionnée au I de l’article 1er » de l’ordonnance. Le délai de réponse de la SAFER est donc suspendu à compter du 12 mars 2020, pour reprendre son cours à l’expiration d’un délai d’un mois après la fin de l’état d’urgence sanitaire. Une décision implicite de renonciation au droit de préemption ne peut ainsi résulter du silence gardé par la SAFER pendant les deux mois qui suivent la notification.

EXEMPLE NOTIFICATION REÇUE PAR LA SAFER LE 10 FÉVRIER :

Le délai expirait en principe le 10 avril. Au 12 mars, le délai avait déjà couru pour un 1 mois et un jour (le 12 mars étant le jour « 1 » de la suspension). Si l’état d’urgence était levé au 4 mai, le délai reprendrait sa course le 4 juin (fin d’état d’urgence + 1 mois) mais uniquement pour la durée (nombre de jours) du délai de 2 mois restant à courir.

J’AI ADRESSÉ (OU J’ADRESSE) UNE NOTIFICATION À LA SAFER APRÈS LE 12 MARS :

Le point de départ du délai est reporté au jour de l’achèvement de la période correspondant à la durée de l’état d’urgence plus un mois.

EXEMPLE NOTIFICATION REÇUE LE 15 AVRIL :

Si l’on retient là encore l’hypothèse d’une levée de l’état d’urgence sanitaire le 4 mai, le délai de 2 mois commencera à courir le 4 juin et expirera donc le 4 août.

  • 3-2.  Notification n’ouvrant pas le droit de préemption de la SAFER

La nouvelle obligation d’information ne distingue plus entre la notification valant offre et la simple déclaration. Elle vise l’ensemble des opérations qu’elles soient ou non soumises à préemption, de sorte que le délai de deux mois fixé par ce texte unique semble s’imposer dans tous les cas. Néanmoins, si la notification de la cession porte sur une opération « non préemptable » et qu’elle est valablement faite (avec tous ses éléments obligatoires), aucune sanction ne semble être attachée au seul non-respect du délai de deux mois. En effet, seule est sanctionnée la « méconnaissance de l’obligation d’information » (C. rur. pêch. maritim., art. L 141-1-1 III), qui ne peut être caractérisée si la SAFER est bien destinataire de l’information pour réaliser sa mission statistique.

 

En conséquence, si la vente n’est pas soumise au droit de préemption de la SAFER (ou si l’exemption est imparable), ce délai de deux mois ne doit pas peser sur la transaction, de sorte que le notaire peut régulariser l’acte après avoir accompli la formalité de notification. Il lui appartient toutefois d’être certain de l’exemption alléguée ou de l’absence de droit de préemption (ex : Cession à un membre de la famille au 4ème degré ; Vente d’un terrain à bâtir d’une surface inférieure à 2500 m² avec engagement de construire sous trois ans). Cette liberté doit être proscrite dans les cas où toute possibilité de préemption ne peut être clairement exclue (ex : vente à un fermier en place avec potentiellement le risque de contestation de la validité du bail).

ATTENTION :

Il est rappelé que le moindre mètre carré situé en zone A ou zone N du PLU, en zone non constructible de la carte communale ou en partie non urbanisée du RNU est soumis au droit de préemption de la SAFER. Ce droit de préemption « automatique », lié à la qualification de « vocation agricole » attachée à ces zones, emporte l’exercice possible par la SAFER de son droit de préemption, a minima partiellement (Ex : la vente d’une maison d’habitation en zone A ou N du PLU est soumise au droit de préemption partiel de la SAFER, sur le terrain seul, même si la maison n’a jamais eu d’affectation agricole).

4. LE NOTAIRE A RÉGULARISÉ UNE VENTE ENTRE LE 12 MARS ET LE 26 MARS (DATE DE LA PUBLICATION DE L’ORDONNANCE) ALORS QUE LE DÉLAI DE DEUX MOIS DE LA SAFER EXPIRAIT LUI AUSSI PENDANT CETTE PÉRIODE, UN INSTANT AVANT.
L’ACTE ENCOURT-IL LA NULLITÉ ?

EXEMPLE :

La notification a été reçue par la SAFER le 20 janvier. Son délai de deux mois était censé expirer le 20 mars. Le notaire a passé l’acte le 21 mars avant la publication de l’ordonnance, le 26 mars, qui prévoit la suspension du délai de deux mois rétroactivement au 12 mars. Dans l’intervalle, l’acte a néanmoins été régularisé…

L’ordonnance du 25 mars a été publiée au Journal Officiel le 26 mars mais produit ses effets rétroactivement au 12 mars (sur le fondement de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19). Si le principe de non-rétroactivité de la loi est piétiné dans cette disposition, le conseil constitutionnel a néanmoins validé ses termes au vu de la gravité du contexte (Sur la conformité des dispositions de la loi organique d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 : Cons. Const., 26 mars 2020, n° 2020-799 DC).

Ainsi qu’il résulte de l’ordonnance, le délai de réponse de la SAFER était en cours à la date du 12 mars. Dans ce cas, aucune décision implicite de renonciation au droit de préemption ne pouvait résulter du silence gardé par la SAFER au 20 mars.

La vente ne pouvait donc pas être régularisée et elle encourt ainsi la nullité, malgré la bonne foi du notaire rédacteur et l’effet pervers produit pas cette rétroactivité (C. rur. pêch. maritim., art. L. 141-1-1, II). Il apparaît sans doute excessif de reprocher au notaire d’avoir régularisé un acte dont le caractère irrégulier ne lui aura été révélé qu’après coup, par l’effet d’une loi rétroactive. L’irrégularité est néanmoins réelle. Il est ainsi recommandé de se rapprocher de la SAFER compétente pour solliciter une renonciation expresse de sa part et purger la difficulté.

5. QUID DES DOSSIERS AMIABLES RÉALISÉS PAR L’INTERMÉDIAIRE DE LA SAFER ?

La SAFER demeure en mesure de finaliser les dossiers en cours (acquisition amiable, préemption, rétrocession, substitution).  Mais, si les actes peuvent sur le principe être signés, c’est sous certaines réserves. Au-delà des accords de tutelles dont elle dépend, la SAFER doit respecter une procédure pour attribuer les biens dont elle instruit la cession, même amiablement.

 

Ce formalisme est aujourd’hui contraint par divers affichages et publicités, qui doivent être réalisés « avant toute décision d’attribution », mais aussi par des délais. Notamment, le texte prévoit que l’affichage en mairie de l’avis doit être maintenu « pendant un délai minimum de quinze jours », et qu’il doit à son tour indiquer « le délai, qui ne peut excéder quinze jours après la fin de l’affichage, dans lequel les candidatures doivent être présentées » (C. rur. pêch. maritim., art. R 142-3).

 

Aussi, l’ordonnance du 25 mars 2020 contient des dispositions spéciales réservées à certaines personnes (comme la SAFER) dans son titre II, mais son titre I aménage également les délais de façon générale, soit au profit de toutes personnes. Surtout, son article 2 permet de régulariser a posteriori le non-accomplissement d’une formalité qui aurait dû être réalisée pendant la « période » définie à l’article 1 (qui s’entend de la période d’état d’urgence + 1 mois) et qui n’a pas été faite. La liste exhaustive que comprend cet article vise absolument tous les actes ou formalités possibles :

« Tout acte, recours, action en justice, formalité, inscription, déclaration, notification ou publication prescrit par la loi ou le règlement à peine de nullité, sanction, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité, irrecevabilité, péremption, désistement d’office, application d’un régime particulier, non avenu ou déchéance d’un droit quelconque et qui aurait dû être accompli pendant la période mentionnée à l’article 1er sera réputé avoir été fait à temps s’il a été effectué dans un délai qui ne peut excéder, à compter de la fin de cette période, le délai légalement imparti pour agir, dans la limite de deux mois ».

 

Dès lors, le bénéfice de cet article s’étend à un éventuel candidat à l’acquisition du bien dont la vente est confiée amiablement à la SAFER. En effet :

  • Le délai de 15 jours dont nous parlons est bien un délai « prescrit par le règlement »,
  • Le dépôt d’une candidature constitue une « formalité »,
  • Et si elle est accomplie hors délai, la sanction est la forclusion.

Il en résulte que, si le délai de 15 jours pendant lequel les candidatures peuvent être déposées échoit entre le 12 mars et la fin de la période d’urgence sanitaire allongée d’un mois, tout candidat pourra déposer son dossier jusqu’à cette date d’extrême effet, prorogée des 15 jours réglementaires.

EXEMPLE 1 :

Le candidat avait jusqu’au 15 mars pour déposer sa candidature. Au 12 mars, l’ordonnance est entrée en vigueur et il restait 4 jours à courir (le 12 comptant comme le jour 1). En admettant la fin de la période d’urgence sanitaire au 4 mai, un candidat pourra déposer sa candidature jusqu’au :

4 mai + 1 mois + 15 jours = 19 juin (même si le délai a couru pendant 11 jours avant le 12 mars, il repart de zéro au 4 juin).

EXEMPLE 2 :

Le candidat avait jusqu’au 30 mars pour déposer sa candidature, suite à un délai ayant commencé à courir le 15. L’ordonnance étant entrée en vigueur le 12 mars, le délai de 15 jours n’a pas commencé à courir. En admettant la fin de la période d’urgence sanitaire au 4 mai, un candidat pourra déposer sa candidature jusqu’au :

4 mai + 1 mois + 15 jours = 19 juin (à noter : lorsqu’un délai est exprimé en jours, celui de l’acte, de l’événement, de la décision ou de la notification qui le fait courir ne compte pas, C. proc. civ., art. 641).

Étant donné cette conséquence, il semble peu opportun pour la SAFER de lancer de nouvelles publicités pendant la période d’urgence sanitaire. Elle pourrait éventuellement instruire les dossiers et décider des attributions sous réserve de bonne fin de la publicité…

STÉPHANIE DE LOS ANGELES
(CONSULTANTE AU CRIDON NORD-EST)