La loi n° 2024-346 du 15 avril 2024 » visant à adapter le droit de la responsabilité civile aux enjeux actuels » inscrit au titre du chapitre IV du Code civil [« Les troubles anormaux du voisinage »] le nouvel article 1253.
Il s’agit de rappeler le principe selon lequel, suivant la jurisprudence, « nul ne doit causer de troubles anormaux de voisinage », au regard des circonstances de lieu (agglomération ou campagne), de temps (de jour ou de nuit) et d’intensité (permanente ou occasionnelle). Pour autant, cette responsabilité peut être limitée.
D’une part, il est précisé que « le propriétaire, le locataire, l’occupant sans titre, le bénéficiaire d’un titre ayant pour objet principal de l’autoriser à occuper ou à exploiter un fonds, le maître d’ouvrage ou celui qui en exerce les pouvoirs qui est à l’origine d’un trouble excédant les inconvénients normaux de voisinage est responsable de plein droit du dommage qui en résulte ».
Dans cette perspective, la responsabilité du constructeur serait écartée, en n’étant pas considéré comme détenteur d’un titre dont l’objet « principal » serait d’occuper le bien.
Néanmoins, « sous réserve de l’article L. 311-1-1 du code rural et de la pêche maritime, cette responsabilité n’est pas engagée lorsque le trouble anormal provient d’activités, quelle qu’en soit la nature, existant antérieurement à l’acte transférant la propriété ou octroyant la jouissance du bien ou, à défaut d’acte, à la date d’entrée en possession du bien par la personne lésée. Ces activités doivent être conformes aux lois et aux règlements et s’être poursuivies dans les mêmes conditions ou dans des conditions nouvelles qui ne sont pas à l’origine d’une aggravation du trouble anormal ». Il s’agit de la théorie de la « pré-occupation » telle qu’elle avait été énoncée à l’article L. 113-8 du Code de la construction et de l’habitation [désormais abrogé]. Pour écarter tout trouble du voisinage, l’exercice de l’activité doit répondre à trois critères cumulatifs :
- L’activité n’est plus énumérative (l’ancien article visait les activités agricoles, industrielles, artisanales, commerciales, aéronautiques) ;
- L’activité doit être conforme aux lois et aux règlements ;
- L’activité doit s’être poursuivie dans les mêmes conditions ou dans des conditions nouvelles qui ne sont pas à l’origine d’une aggravation du trouble anormal.
D’autre part, et surtout, l’article L. 311-1-1 du Code rural et de la pêche maritime, dispose que « La responsabilité prévue au premier alinéa de l’article 1253 du code civil n’est pas engagée lorsque le trouble anormal provient d’activités agricoles existant antérieurement à l’acte transférant la propriété ou octroyant la jouissance du bien ou, à défaut d’acte, à la date d’entrée en possession du bien par la personne lésée. Ces activités doivent être conformes aux lois et aux règlements et s’être poursuivies dans les mêmes conditions, dans des conditions nouvelles qui ne sont pas à l’origine d’une aggravation du trouble anormal ou dans des conditions qui résultent de la mise en conformité de l’exercice de ces activités aux lois et aux règlements ou sans modification substantielle de leur nature ou de leur intensité. »
Il s’agit manifestement de prévoir des exceptions supplémentaires liées aux activités agricoles, notamment à l’égard de l’élevage (comme en témoigne souvent la jurisprudence).
Même si le juge prenait traditionnellement en compte l’aggravation du trouble anormal (notamment dans le cadre d’une expertise), il faudra qu’il puisse établir, au regard des situations particulières, l’aggravation qui pourrait résulter de « la mise en conformité de l’exercice des activités » ou celle relative à « la modification substantielle de leur nature ou de leur intensité ».
Thierry DUBAELE
(CONSULTANT AU CRIDON NORD-EST)