Actu JuridiqueTROISIÈME ANNÉE CONSÉCUTIVE DE HAUSSE DES FERMAGES

Pour la troisième année consécutive, la variation des fermages est à la hausse avec un nouvel indice national publié de + 1,09 % (arr. 12 juillet 2021, art. 4, JO 20 juil. 2020 ; C. rur., art. L. 411-11, al. 4).

Il s’appliquera dès le 1er octobre 2021 aux loyers des baux en cours portant sur des terres nues et des bâtiments d’exploitation agricole, qui devront être réévalués selon la formule suivante : loyer par hectare en 2020 x 106,48/105,33 (ou loyer par hectare en 2020 x 1,0109).

POINT PRATIQUE SUR LE LOYER AGRICOLE

« Le fermage ne peut comprendre (…) aucune redevance ou service de quelque nature que ce soit » (C. rur., art. L 411-12). Ce principe souffre toutefois de tempéraments aux fondements émiettés dans le code rural et le code général des impôts, ce qui trouble leur lisibilité et, de fait, leur mise en œuvre.

Le preneur est débiteur envers son bailleur de son loyer mais aussi d’autres sommes. Contre toute attente, les rôles s’inversent même parfois, faisant du bailleur le débiteur de son fermier. S’ensuit un enchevêtrement comptable digne d’un apothicaire.

Nous saisissons l’occasion du nouvel indice publié pour revenir sur le détail des sommes dues.

1. Le fermage.

Le preneur rural est, en tout premier lieu, redevable du fermage. Sa fixation doit en principe respecter les maxima et minima arrêtés par le préfet dans le département (C. rur., art. L 411-11). Des atténuations sont toutefois prévues :

•. Le plafond peut être majoré en cas de recours à un bail rural long terme (C. rur., art. L 416-1 et s.) ou un bail cessible hors cadre familial (C. rur., art. L 418-1 et s.) ;

•. Le plancher est abaissé si des pratiques culturales respectueuses de l’environnement sont imposées au preneur (C. rur., art. L 411-27) ;

•. Un différentiel de 10% avec la fourchette préfectorale est toléré puisque l’action pour « loyer irrégulier », pour être intentée, suppose un différentiel « d’au moins un dixième » (C. rur., art. L. 411-13).

•. Le fermage peut être augmenté si le bailleur a réalisé des « investissements dépassant ses obligations légales » ou lorsqu’ils lui ont été « imposés par une personne morale de droit public » (art. L 411-12 préc. complété par R. 411-9).
→ Exemple : Ce fondement permet au bailleur d’augmenter le loyer lorsqu’il doit supporter des dépenses au titre de la réalisation de travaux connexes lors d’un Aménagement Foncier Agricole et Forestier (l’AFAF étant le nouveau nom du remembrement ; Ces dépenses sont souvent appelées « taxes de remembrement » ou « taxes d’AFR »). Il faut pour cela que les investissements réalisés aient amélioré les conditions de l’exploitation et qu’ils aient été exécutés par l’association foncière constituée pour l’occasion. La majoration est fixée d’un commun accord entre les parties ou, à défaut, par le tribunal paritaire des baux ruraux (V. Cass. 3e civ., 4 juill. 2012, n° 11-12.998 ; Rép. min. n° 22675 : JOAN 15 mai 1995, p. 2477 ; Pour aller plus loin : JCl Baux ruraux, Fasc. 310 : Baux ruraux. – Calcul et paiement du fermage, n° 44).

2. Une fraction de la taxe foncière.

Le bailleur peut demander au fermier de lui rembourser une fraction du montant global de la taxe foncière, au titre des « dépenses afférentes aux voies communales et aux chemins ruraux ». La part demandée au fermier peut être librement déterminée, tant qu’elle ne porte pas sur la totalité de l’impôt (Rép. min. n° 3533 : JOAN Q, 18 janv. 1982, p. 174 ; CA Amiens, 23 mars 1977 : JCP N 1979, prat. 7228). « A défaut d’accord amiable entre les parties, cette fraction est fixée à un cinquième » (C. rur., art. L 415-3).

3. La moitié de la taxe pour frais de chambre.

Le fermier doit rembourser au propriétaire la moitié du « montant des taxes que les chambres d’agriculture sont autorisées à percevoir », « nonobstant toute clause ou disposition contraire » (CGI, art. 1604 I ; C. rur., art. L 514-1). Cette clé de répartition est fixée par le texte, ne laissant aucune place à l’aménagement contractuel.

4. Les frais de gestion.

Le propriétaire peut récupérer auprès du fermier la part proportionnelle prélevée à titre de « frais de gestion de la fiscalité directe locale » (frais de confection des rôles). Deux taux s’appliquent en agriculture :

3 % sur les taxes communales et intercommunales ;

8 % calculés sur la moitié des cotisations de la chambre d’agriculture à la charge du preneur (CGI, art. 1641 ; 4,4 % prélevés au titre des frais d’assiette et de recouvrement et 3,6 % de frais de dégrèvements et de non-valeurs).

5. Les wateringues.

Les wateringues sont une particularité du Nord-Pas de Calais. Ils matérialisent le « combat séculaire de l’homme contre la mer » (Schéma d’aménagement des Eaux des Wateringues, 1986). De ce fait, l’arrêté préfectoral du 19 septembre 1995 du Nord-Pas de Calais (fixant les catégories des bâtiments et des terres nues) a prévu cette spécificité en ces termes : « Lorsque le preneur en place s’acquitte des taxes wateringues, la valeur de la catégorie du bien loué, déterminée en application du présent arrêté, fait l’objet d’un abattement de 10 % ». Dès lors, dans cette seule mesure puisqu’il n’est pas autorisé de s’écarter des prescriptions préfectorales, le bailleur peut mettre à la charge du preneur lesdites taxes, sous la contrepartie prévue par le texte (abaissement de la fourchette préfectorale).

6. Attention aux remboursements dus au fermier…

Les dégrèvements de taxe foncière sur la propriété non bâtie sont mis en place pour soutenir financièrement les exploitants. Lorsque ceux-ci sont locataires et inconnus de l’administration fiscale, c’est le propriétaire qui bénéficie de l’avantage à charge de restitution à son fermier. Conformément aux principes qui régissent les taxes foncières, le dégrèvement ne peut en effet être accordé qu’au débiteur légal de l’impôt, c’est-à-dire au propriétaire des parcelles concernées mais celui-ci doit le reverser au véritable destinataire de la mesure (BOI-IF-TFNB-50-10-20, n° 415). Le bailleur ne sert ainsi que d’intermédiaire pour l’administration fiscale, la somme dégrevée ne lui appartenant pas.

Exemples de restitutions par le bailleur au fermier :

•. Exonération permanente de taxe foncière, à concurrence de 20%, des propriétés non bâties agricoles (CGI, art. 1394 B bis ; BOI-IF-TFNB-10-40-50). Cette exonération bénéficie au preneur, ainsi qu’il résulte de l’article L 415-3 du code rural (Remarque : l’application d’un coefficient multiplicateur de 1,25 est expressément prévue par l’art. L 415-3 préc.).

•. Dégrèvement d’impôt foncier au profit d’un jeune agriculteur, pendant les cinq années qui suivent son installation (sous conditions, V. CGI, art. 1647-00 bis al. 5).

•. Exemption ou une réduction d’impôts fonciers au titre d’une calamité agricole s’étant abattue sur l’exploitation. La somme exonérée bénéficie au fermier (« le fermier déduit du montant du fermage à payer au titre de l’année au cours de laquelle a eu lieu le sinistre une somme égale à celle représentant le dégrèvement dont a bénéficié le bailleur. Dans le cas où le paiement du fermage est intervenu avant la fixation du dégrèvement, le propriétaire doit en ristourner le montant au preneur », C. rur., art. L 411-24).

7. La taxe Gemapi.

La taxe Gemapi (GEstion des Milieux Aquatiques et la Prévention des Inondations), connue sous le nom de taxe inondation, est une taxe additionnelle aux impôts locaux. Elle est facultative et applicable dans certaines collectivités pour financer les dépenses de fonctionnement et d’investissement des métropoles et communautés de communes.

Cette taxe s’ajoute à la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) ou non bâties (TFPNB), à la taxe d’habitation (TH) et à la cotisation foncière des entreprises (CFE). Son paiement s’effectue auprès de la Direction générale des Finances Publiques (DGFiP) chargée de son recouvrement, en même temps que les quatre impôts locaux auxquels la taxe s’additionne.

Par sa caractéristique principale, qui est d’être additionnelle, elle ne semble pas pouvoir être incluse dans la part récupérable auprès du fermier, qui est strictement encadrée par le statut du fermage et limitée à l’impôt lui-même. Le fermier la paie malgré tout en partie s’il loue son logement (en payant la taxe d’habitation s’il ne bénéficie pas du dégrèvement) ou s’il cotise en tant qu’entreprise (V. aussi Rép. min., JO Sénat du 22 fév. 2018, page 830).

STÉPHANIE DE LOS ANGELES
(CONSULTANTE AU CRIDON NORD-EST)