Actu professionnelleCOVID-19 – VENTE D’IMMEUBLES ET DIAGNOSTICS IMMOBILIERS.

L’article L. 271-4, I, du code de la construction et de l’habitation prévoit que, en cas de vente de tout ou partie d’un immeuble bâti, un dossier de diagnostic technique, fourni par le vendeur, est annexé à la promesse de vente ou, à défaut de promesse, à l’acte authentique de vente. Le texte détaille ensuite le contenu de ce dossier. Enfin, dans son II, il détermine les sanctions applicables en distinguant selon les documents, et en rappelant qu’ils doivent être en cours de validité au jour de l’acte authentique. En effet, à défaut, selon le cas, le vendeur ne peut pas s’exonérer de la garantie des vices cachés correspondante, ou l’acquéreur peut poursuivre la résolution du contrat, ou encore demander au juge une diminution du prix. Même si le texte précise que l’acquéreur ne peut se prévaloir à l’encontre du propriétaire des informations contenues dans le diagnostic de performance énergétique qui n’a qu’une valeur informative, son absence peut être sanctionnée selon le droit commun. D’ailleurs, s’il est erroné, la cour de cassation a décidé que le préjudice réparable de l’acquéreur correspond à la seule perte de chance d’avoir pu négocier un meilleur prix de vente (Civ. 3, 21 novembre 2019, n° 18-23251).

 

Le confinement actuel est susceptible de faire apparaître deux séries inédites de difficultés. La plupart des documents doivent être impérativement établis par un diagnostiqueur professionnel (art. L. 271-6, CCH), voire un SPANC. Dès lors, on risque, d’une part, de ne pas parvenir à remplacer celui qui a été fourni lors de l’avant-contrat, mais qui est périmé au moment de la signature de l’acte authentique de vente ; d’autre part, de ne pas parvenir à obtenir les éléments obligatoires au moment de la conclusion de l’avant-contrat.

LES DIAGNOSTICS PÉRIMÉS.

Dans le premier cas, si on ne peut pas remplacer l’ancien document, on peut, selon nous, se prévaloir de l’ordonnance n° 2020-306, applicable aux délais et mesures qui ont expiré ou qui expirent entre le 12 mars 2020 et l’expiration d’un délai d’un mois à compter de la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire (art. 1er). On a une formalité prescrite par la loi à peine de sanction, laquelle pourra être accomplie dans les deux mois de la fin de la période d’état d’urgence sanitaire + 1 mois, dite juridiquement protégée (art. 2). Cela signifie que l’acte authentique peut être signé, sans renouvellement des documents périmés, mais le vendeur devra y procéder au plus tard dans ce délai.

Par exemple, l’acte authentique de vente doit être conclu le 8 avril 2020 ; l’état de l’installation intérieure d’électricité en cours de validé au jour du compromis est périmé ; la vente pourra néanmoins être régularisée à la date convenue, mais le vendeur devra faire établir un nouveau document au plus tard dans les deux mois suivant la fin de la période dite juridiquement protégée. Si on suppose qu’elle se termine le 25 juin, donc que la fin de la période d’état d’urgence sanitaire est au 25 mai, le document devra être fourni avant le 25 août (25 juin + 2 mois). L’acquéreur ne pourra en tirer aucun droit à responsabilité ou garantie contre son vendeur. L’hypothèse correspond à celle de la mise à jour, au moment de l’établissement de l’acte authentique de vente, des documents qui avaient été régulièrement annexés à l’avant-contrat.

On rappellera que l’article D. 271-5 du code de la construction et de l’habitation indique :

« Par rapport à la date de la promesse de vente ou à la date de l’acte authentique de vente de tout ou partie d’un immeuble bâti, les documents prévus aux 1°, 3° et 4° du I de l’article L. 271-4 doivent avoir été établis depuis :

– sous réserve des dispositions du troisième alinéa de l’article L. 271-5, moins d’un an pour le constat de risque d’exposition au plomb ;

– moins de six mois pour l’état du bâtiment relatif à la présence de termites ;

– moins de trois ans pour l’état de l’installation intérieure de gaz ;

– moins de trois ans pour l’état de l’installation intérieure d’électricité. »

En outre, la durée de validité du diagnostic de performance énergétique est fixée à dix ans (art. R. 134-4-2, CCH). L’état des risques et pollutions doit avoir été rempli moins de six mois avant la date de conclusion de la promesse de vente ou de l’acte réalisant ou constatant la vente d’un bien immobilier auquel il est annexé (art. R.125-26, code de l’environnement). Le document établi à l’issue du contrôle des installations d’assainissement non collectif doit être daté de moins de trois ans au moment de la signature de l’acte de vente (art. L1331-11-1, code de la santé publique). Par contre, l’état mentionnant la présence ou l’absence de matériaux ou produits contenant de l’amiante n’est pas soumis à péremption. La jurisprudence a pu considérer « qu’il ne ressort d’aucun texte la nécessité de réactualiser le diagnostic amiante ancien qui était produit » (Aix-en-Provence, 22 mai 2018, Répertoire général n° 16/16029).

LES DIAGNOSTICS ABSENTS.

Dans le second cas, la situation est plus délicate. L’acquéreur ne peut libérer son vendeur de toute responsabilité et garantie que parce qu’il a été dument informé des défauts et des risques par la fourniture des documents obligatoires. S’il n’a pas obtenu les informations légalement prévues, selon le formaliste imposé, la clause visant à exonérer le vendeur ne produira pas d’effet.

Néanmoins, on déduit des sanctions applicables que la vente qui serait établie sans la fourniture de tout ou partie des documents obligatoires entrant dans le dossier de diagnostic technique n’est pas nulle, mais le vendeur risque de devoir indemniser l’acquéreur ou de subir la résolution du contrat. Évidemment, sauf cas particulier (par exemple les ventes en famille où règne une parfaite entente), un vendeur n’acceptera jamais de prendre un tel risque !

On peut alors proposer d’établir l’avant-contrat sous condition suspensive de la fourniture des documents et d’en organiser les conséquences sur la vente (v. Opérations Immobilières n° 63, Mars 2014, 23911278, 10 QUESTIONS SUR… – L’amiante : aux confins des droits, n° 4). Ainsi, on peut concevoir la condition suspensive de l’obtention des documents obligatoires ne révélant pas de défaut ou de risques pour la santé et la sécurité, stipulée dans l’intérêt des deux parties. On pourrait aussi convenir d’une condition suspensive de la fourniture par le vendeur d’un dossier de diagnostic technique complet en application de l’article L. 271-4 du CCH avant la date de conclusion de l’acte authentique de vente et d’exonération du vendeur par l’acquéreur de toute responsabilité et obligation de garantie quel que soit le contenu des documents qui seront compris dans ce dossier de diagnostic technique.

Évidemment, en temps ordinaires, on écartera cette piste, bien que théoriquement ouverte. Mais, face à l’exceptionnel de la situation actuelle, et si une raison impérieuse commande la signature rapide d’un avant-contrat, on pourrait retenir la conclusion d’un tel avant-contrat conditionnel (Cf. Protection de la population contre les risques sanitaires liés à une exposition à l’amiante dans les immeubles bâtis, CSN, IEJ, note d’information, 22 oct. 2002, La Semaine Juridique Notariale et Immobilière n° 44, 1er novembre 2002, act. 191). D’ailleurs, la cour de cassation a pu écarter la responsabilité du notaire ayant rédigé l’acte de vente d’un immeuble sous diverses conditions suspensives dont celle portant sur l’établissement d’un constat amiante et sa communication aux acquéreurs dans un certain délai (Civ. 3, 30 mai 2012, n° 11-15284).

L’acte authentique n’interviendra alors que lorsqu’un dossier de diagnostic technique complet pourra être fourni par le vendeur, et si l’acquéreur accepte de l’exonérer à ce moment.

DAVID BOULANGER
(DIRECTEUR GÉNÉRAL DU CRIDON NORD-EST)