Actu JuridiqueADJUDICATION ET CONFINEMENT VERSION 2 : POSSIBLE OU PAS ?
ATTENTION
Les dispositions gouvernementales étant récentes et très évolutives, une modification dans les jours à venir n’est pas à exclure. Les indications complémentaires données par les Préfectures territorialement compétentes et vos instances professionnelles (CSN, Chambres) seront le cas-échéant prépondérantes.

En raison du confinement printanier, plus sévère, de nombreuses adjudications, en particulier dans le cadre de partages judiciaires, ont été reportées à l’automne.

Un second report, en raison du confinement automnal, doit-il être envisagé ?

LE CONFINEMENT AUTOMNAL PERMET-IL DE TENIR LES ENCHÈRES ?

Le Décret n° 2020-1310 du 29 octobre 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire, paru au JO du 30, prévoit en son article 4 que « tout déplacement de personne hors de son lieu de résidence est interdit ».

Par exception, sont autorisés les déplacements, en évitant tout regroupement de personnes, « pour répondre à une convocation judiciaire ou administrative ou pour se rendre dans un service public ou chez un professionnel du droit, pour un acte ou une démarche qui ne peuvent être réalisés à distance » (art 4 du décret).

Ainsi, si les rassemblements, réunions ou activités dans un lieu ouvert au public mettant en présence de manière simultanée plus de six personnes sont interdits, une dérogation a été spécifiquement prévue pour les notaires, pour un acte ou une démarche qui ne peuvent être réalisés à distance (art 3 III du décret).

Notons toutefois que le préfet est habilité à interdire ou à restreindre, par des mesures réglementaires ou individuelles, tout rassemblement, réunion ou activité mettant en présence de manière simultanée plus de six personnes sur la voie publique ou dans des lieux ouverts au public relevant de l’article 3-III, lorsque les circonstances locales l’exigent et à adopter des mesures plus restrictives en matière de trajets et déplacements des personnes.

Une interrogation préalable des arrêtés rendus par le Préfet territorialement compétent est donc indispensable.

L’ACTE À DISTANCE EST-IL POSSIBLE POUR UNE ADJUDICATION ?

Si, techniquement, rien ne s’oppose à ce qu’une personne enchérisse par voie dématérialisée, la complexité de mise en place d’une telle structure, garantissant la fiabilité et la réactivité des enchères portées simultanément par plusieurs personnes, ne permet pas juridiquement une telle vente.

Le système Immo-interactif®, qui existe déjà depuis plusieurs années n’est pas une vente aux enchères mais une vente par appel d’offres en ligne, après agrément préalable des soumissionnaires.

 

Or, les adjudications se décomposent en deux catégories :

 

  • Les adjudications amiables. Non règlementées (C. civ., 1686), elles sont librement organisées par les vendeurs, souvent par décalque des règles applicables aux saisies immobilières ou aux partages judiciaires (CPC, art. 1377, CPC, art. 1272 à 1281, CPCE, R. 322-26 et s).), lesquelles règles ne s’imposent toutefois pas. Les vendeurs peuvent ainsi souhaiter abandonner le système d’enchères pour préférer les appels d’offre par le système Immo-interactif®.

 

  • Les adjudications judiciaires, par exemple dans le cadre d’un partage judiciaire, sont strictement réglementées. En particulier, le système d’enchères est obligatoire, par renvoi des articles 1278 et 1377 du code de procédure civile aux règles de la saisie immobilière.

Naturellement, à l’unanimité, les copartageants peuvent abandonner en tout ou partie les voies judiciaires pour préférer une vente amiable « classique » ou une vente interactive (C. civ., art 842). Mais à défaut d’accord des vendeurs, la vente reste une cession par adjudication. Il n’est donc pas possible d’organiser une vente aux enchères à distance dans cette hypothèse. Si la crainte du manque d’enchérisseurs incite à conseiller le report de la vente, un tel report n’est toutefois pas imposé par le second confinement puisque les adjudications à l’Étude peuvent être instrumentées.

COMMENT RESPECTER LES PRÉCONISATIONS SANITAIRES ?

Outre naturellement le strict respect des mesures barrière (masques, gel, salle suffisamment grande pour espacer les enchérisseurs, etc.), plusieurs préconisations peuvent être formulées :

  • Il n’est pas nécessaire que tous les indivisaires soient présents : comme pour toute vente, ils peuvent valablement se faire représenter, voire multi-représenter si la procuration le prévoit. Celle-ci peut être réalisée sous seing-privé, sous réserve qu’elle ne contienne pas d’engagements imposant la forme solennelle.
  • En matière d’adjudication sur licitation, le ministère d’avocat n’est, contrairement par exemple aux saisies immobilières, nullement obligatoire (CPC, art. 1278 al. 2)
  • Il est toujours envisageable de limiter l’accès à la salle des enchères aux seules personnes entendant réellement enchérir, c’est-à-dire aux personnes ayant pu remettre le dépôt de garantie nécessaire pour pouvoir émettre une offre (CPCE, art. R322-41, par renvoi de l’article 1278 du CPC).
LES VISITES DES BIENS À VENDRE SONT-ELLES POSSIBLES ?

Au vu de la rédaction stricte du décret, la réponse est négative, une visite n’étant pas un acte au sens de l’article 4 précité.

Une visite virtuelle, avec bien évidemment l’accord préalable de l’éventuel occupant, est par contre possible.

QUELLE CASE COCHER SUR L’ATTESTATION DE DÉPLACEMENT ?

Si le notaire et son collaborateur vont bien évidemment cocher la case « déplacements professionnels ne pouvant être différés », la question est plus complexe pour les enchérisseurs, sauf les acquéreurs agissant dans le cadre de leur profession (promoteurs, etc.).

Alors que l’article 4 précité précise que « les personnes souhaitant bénéficier de l’une de ces exceptions doivent se munir, lors de leurs déplacements hors de leur domicile, d’un document leur permettant de justifier que le déplacement considéré entre dans le champ de l’une de ces exceptions », aucune case idoine n’a encore été prévue sur les attestations de déplacement ! Faute de mieux, la case la plus adaptée est la suivante : « Convocation judiciaire ou administrative et pour se rendre dans un service public ».

Les personnes ayant remis le dépôt de garantie préalable aux enchères, ou le cas échéant leurs représentants, ainsi que les vendeurs qui seront présents pourront se voir communiquer un courrier de l’Etude justifiant de la date et l’heure de l’adjudication, sur le modèle de l’attestation qui vous a été transmise par le CSN.

SANDRINE LE CHUITON
(CONSULTANTE AU CRIDON NORD-EST)