L’article L. 318-3 du Code de l’urbanisme organise une procédure de transfert d’office des voies privées ouvertes à la circulation publique et constitue un mode d’expropriation spécifique et d’ailleurs gratuit des propriétés privées :
« La propriété des voies privées ouvertes à la circulation publique dans les ensembles d’habitations peut, après enquête publique, être transférée d’office, sans indemnité, dans le domaine public de la commune sur le territoire de laquelle ces voies sont situées. […] »
La voie privée doit être ouverte à la circulation publique : pour qu’une voie privée soit considérée « ouverte à la circulation publique », il est nécessaire, mais suffisant, qu’elle soit reliée à la voie publique et qu’en fait, des tiers puissent l’emprunter (Cass. crim., 7 mai 1963, D. 1963, 474). Néanmoins, le Conseil d’État ne semblait retenir jusque-là comme voies privées ouvertes à la circulation générale, que les seules voies ouvertes aux véhicules automobiles (CE, 18 octobre 1995, Benoit, req. n° 150490). Par le présent arrêt, et s’agissant d’une impasse, il estime désormais que « l’ouverture à la circulation publique d’une voie privée n’étant, contrairement à ce qui est soutenu, pas subordonnée à la condition que la circulation automobile y soit possible », au contraire de la préfecture qui estimait que la circulation automobile seule pouvait la qualifier ainsi.
On ne saurait donc trop conseiller à des propriétaires dont des propriétés seraient susceptibles d’être concernées par ce dispositif, de manifester leur opposition, de façon à ce qu’en aucun cas ils ne puissent être dépossédés de leur bien. Il est alors loisible de constater que les propriétaires pourront s’opposer à la démarche de la commune en clôturant leur propriété avant la fin de l’enquête publique, manifestant par là leur volonté que cette voie ne soit plus livrée à la circulation publique et qu’elle ne puisse plus être appropriée par l’application de l’article L. 318-3 du code de l’urbanisme (Conseil d’État, juin 2015, n°373187).
Cette position est corroborée par l’appréciation à laquelle le juge se livre pour en déduire le consentement des propriétaires à la privation de leur propriété : que « l’impasse de la Poste était utilisée librement par les piétons, que l’accès des automobiles était possible dans la partie sud de la voie et que les consorts B…, qui s’étaient bornés à limiter la circulation et le stationnement de véhicules autres que ceux appartenant aux riverains ou aux bénéficiaires d’une servitude de passage et à apposer à l’entrée de l’impasse un panneau indiquant que cette voie sans issue était interdite à la circulation sauf riverains et livraisons et qu’il s’agissait d’un passage piétonnier, avaient accepté l’usage public de leur bien et renoncé à son usage purement privé, que la voie en litige était une voie privée ouverte à la circulation publique […] ». Le seul moyen réside donc bien en la pose d’obstacles interdisant matériellement l’accès…
PHILIPPE DUPUIS
(CONSULTANT AU CRIDON NORD-EST)