1 – RAPPEL SUCCINCT DE LA PROCÉDURE SUCCESSORALE :
Très schématiquement, en présence d’un testament olographe, d’un legs universel et en l’absence d’héritiers réservataires, le notaire dresse l’acte de dépôt du testament. Celui-ci contient notamment description du testament et vérification des conditions de la saisine du légataire au regard du caractère universel de sa vocation et de l’absence d’héritiers réservataires.
Dans le mois qui suit la date du procès-verbal de dépôt, le notaire adresse une expédition de celui-ci et une copie figurée du testament au greffier du tribunal judicaire du lieu d’ouverture de la succession, qui lui accusera réception de ces documents.
Dans le mois suivant cette réception, tout intéressé peut s’opposer à l’exercice de ses droits par le légataire universel saisi de plein droit. En cas d’opposition, ce légataire se fera envoyer en possession.
le délai d’opposition court à compter de l’émission par le greffe du document accusant réception et non à compter des publicités !
2 – RAPPELS GÉNÉRAUX SUR LES DÉLAIS DE PROCÉDURE :
La computation d’un délai de procédure est prévue par les textes de procédure civile et répond à des règles strictes.
En ce qui concerne le dies a quo, lorsqu’un acte, une formalité ou une démarche doit être accompli avant l’expiration d’un délai, celui-ci a pour origine la date de l’événement qui le fait courir » (CPC, art. 640). Le délai d’opposition prévu par l’article 1007 du Code civil court donc à compter de l’émission par le greffe du document accusant réception.
S’agissant du dies a quem, lorsqu’un délai est exprimé en mois, ce délai expire le jour du dernier mois ou de la dernière année qui porte le même quantième que le jour de la formalité qui fait courir le délai. A défaut d’un quantième identique, le délai expire le dernier jour du mois (CPC, art. 641 al. 2). Enfin, tout délai expire le dernier jour à vingt-quatre heures et lorsque le dernier jour du délai est un samedi, un dimanche, un jour férié ou chômé, le délai est prorogé jusqu’au premier jour ouvrable suivant (CPC, art. 642, al. 2).
3 – DIFFICULTÉS EN PÉRIODE D’URGENCE SANITAIRE
Depuis la mise en œuvre de l’urgence sanitaire, l’accès aux juridictions et aux services administratifs desdites juridictions est particulièrement difficile et très variable d’un tribunal à un autre. D’une part, les ressources humaines et matérielles sont prioritairement et logiquement affectées aux contentieux d’urgence, d’autre part peu de juridictions disposent des moyens suffisants pour permettre le télétravail à tous leurs agents. Un retard important dans le traitement des dossiers successoraux est donc à craindre.
Trois situations peuvent se présenter :
- A) Le greffe n’a pas encore accusé réception de l’envoi de la copie du procès-verbal de dépôt
- B) Le greffe a accusé réception avant le 11 février 2020
- C) Le greffe a accusé réception après le 11 février 2020
Le dies a quem du délai d’un mois tombe entre le 12 mars et la fin de la période juridiquement protégée. Le délai est-il alors reporté ?
Rappelons que l’article 2 de l’ordonnance 2020-306 du 25 mars 2020 dispose que « tout acte, recours, action en justice, formalité, inscription, déclaration, notification ou publication prescrit par la loi ou le règlement à peine de nullité, sanction, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité, irrecevabilité, péremption, désistement d’office, application d’un régime particulier, non avenu ou déchéance d’un droit quelconque et qui aurait dû être accompli pendant la période [d’application de l’ordonnance] sera réputé avoir été fait à temps s’il a été effectué dans un délai qui ne peut excéder, à compter de la fin de cette période, le délai légalement imparti pour agir, dans la limite de deux mois ». A ainsi été créée la période juridiquement protégée (PJP), soit la date de fin de l’état d’urgence à laquelle est ajouté un délai d’un mois, c’est-à-dire, depuis l’entrée en vigueur de l’Ordonnance n° 2020-560 du 13 mai 2020 fixant les délais applicables à diverses procédures pendant la période d’urgence sanitaire, le 23 juin 2020 inclus. Une fois la PJP accomplie, le délai initial repart à zéro, sans tenir compte des jours déjà écoulés, ce dans la limite maximale de deux mois.
Une ordonnance n° 2020-427 du 15 avril 2020 portant diverses dispositions en matière de délais pour faire face à l’épidémie de covid-19 a certes modifié l’article 2 de l’ordonnance initiale n° 2020-306 du 25 mars 2020, en excluant du champ d’application de l’article 2 de la première ordonnance les « délais de rétractation, de renonciation et de réflexion » : pour ces délais, aucun report n’est possible (pour une présentation avec quelques exemples, v. Circulaire Garde des Sceaux JUSC2009856C du 17 avril 2020). Cette modification n’est toutefois pas applicable à la procédure de l’article 1007 du Code civil.
Les délais de rétractation ou de renonciation sont les délais laissés par certains textes avant l’expiration desquels leur bénéficiaire peut rétracter son consentement à un contrat, alors que ceux de réflexion sont les délais avant l’expiration desquels le destinataire d’une offre contractuelle ne peut manifester son acceptation (Rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance n° 2020-427 du 15 avril 2020). La faculté d’opposition de l’article 1007 du Code civil ne s’apparente à aucune de ces trois hypothèses.
La règle de principe – report du délai à la fin de la PJP – reste donc applicable à la procédure de l’article 1007 du Code civil.
SANDRINE LE CHUITON
(CONSULTANTE AU CRIDON NORD-EST)