La Cour de cassation, dans un arrêt en date du 14 avril 2021, vient d’apporter une importante réponse à la question de la prescription des dettes entre indivisaires.
Note : rappelons que la prescription des dettes entre époux indivisaires et partenaires pacsés est suspendue tant que dure l’union (C. civ., art. 2236). La décision de la Cour de cassation ne concerne donc pas ces indivisions spéciales. Elle a au contraire vocation à s’appliquer à toutes les autres indivisions, légales ou conventionnelles, par exemple entre héritiers ou entre concubins.
La question était jusqu’à présent controversée et dépendait de l’interrogation suivante : une créance réclamée par un indivisaire à l’encontre de l’indivision sur le fondement de l’article 815-13 doit-elle faire l’objet d’une entrée en compte, différant ainsi son exigibilité au jour de l’établissement dudit compte, ou l’indivisaire peut-il en exiger un paiement immédiat, en dehors de tout compte ?
Si l’entrée en compte est parfois imposée par les textes – tel est le cas notamment des récompenses – aucune disposition similaires n’existe pour les indivisions.
Alors que certaines décisions ont pu admettre le report de prescription (CA Toulouse, 21 oct. 2008, décision n° 07/04360), étant ainsi les dispositions spécifiques au rapport de dette (C. civ., art. 865), telle n’est pas la position retenue par la jurisprudence majoritaire : l’indivisaire n’étant pas tenu d’attendre le partage pour solliciter le paiement de sa créance, aucun report du point de départ de la prescription ne devrait être admis (C. civ, art. 2234, Cass. 1re civ., 20 févr. 2001, n° 93-13.006 retenant l’exigibilité de la créance, mais sans se prononcer sur la prescription, CA Paris, 20 mars 2013, décision n° 12/05150 V. indirectement Cass. civ. 1ère, 28 mars 2018, pourvoi 17-14.104).
La question restait néanmoins largement débattue en doctrine (V. not. J. Lafond, J-Cl. Not. Form., « Indivision – Comptes de l’indivision », fasc. 80, n° 11, E. Buat-Ménard, « Liquidation des régimes patrimoniaux » : La prescription des créances dans le couple, par, AJFam 2015.461, C. Albiges, « Indivision », Rép. civ. Dalloz, 2011, n° 99).
La Cour de cassation prend aujourd’hui position, en retenant que « la créance revendiquée par [l’indivisaire ayant seul remboursé le prêt] était exigible dès le paiement de chaque échéance de l’emprunt immobilier, à partir duquel la prescription commençait à courir ».
Est ainsi censurée la cour d’appel ayant au contraire écarté la prescription, estimant que l’indemnité due à l’indivisaire s’apprécie à la date du partage ou de l’aliénation du bien indivis, indépendamment de la date à laquelle les impenses ont été exposées.
SANDRINE LE CHUITON
(CONSULTANTE AU CRIDON NORD-EST)