- le vendeur-constructeur peut souhaiter modifier le délai de livraison stipulé dans le contrat de réservation ;
- l’éventuelle procuration de l’acquéreur à l’acte de vente, car l’authenticité s’impose à peine de nullité
LE DÉLAI DE LIVRAISON
Ordinairement, l’acte de VEFA est précédé d’un contrat préliminaire – appelé, en pratique, contrat de réservation – par lequel, en contrepartie d’un dépôt de garantie effectué à un compte spécial, le vendeur s’est engagé à réserver à l’acheteur un immeuble ou une partie d’immeuble. Ce contrat doit comporter les indications essentielles relatives à la consistance de l’immeuble, à la qualité de la construction et aux délais d’exécution des travaux ainsi qu’à la consistance, à la situation et au prix du local réservé (art. L. 261-15, CCH).
Cet avant-contrat propre à la vente d’immeubles à construire permet au vendeur-constructeur – réservant à ce stade du projet – d’adapter le contenu de la convention lorsqu’il proposera au réservataire – potentiel acheteur – d’acquérir la construction envisagée. On comprend donc que ce dernier recevra, selon l’article R. 261-30 du CCH, un projet d’acte de vente un mois au moins avant la date de la signature de l’acte authentique. Il pourra ainsi vérifier que le bien proposé correspond effectivement à ce qui lui avait été annoncé. Ensuite, il pourra décider d’acheter ou non.
On remarquera que le délai d’un mois est un délai de réflexion. Il courra dans les conditions ordinaires, avec la faculté de renonciation de l’acquéreur (Civ. 3, 12 mars 2003, n° 02-10372), malgré l’actuelle période d’urgence sanitaire. L’article 2 de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020, modifié, de façon interprétative, par l’ordonnance n° 2020-427 du 20 avril 2020, exclut de son champ d’application les délais de réflexion, de rétractation ou de renonciation prévus par la loi ou le règlement.
Si le réservataire décide de ne pas poursuivre l’opération, il perd le dépôt de garantie sauf si le contrat n’est pas conclu du fait du vendeur, si la condition suspensive prévue à l’article L. 313-41 du code de la consommation n’est pas réalisée ou si le contrat proposé fait apparaître une différence anormale par rapport aux prévisions du contrat préliminaire. Dans ce cas, les sommes sont restitués, dans le délai de trois mois, au déposant (art. L. 261-15, I, al. 4, CCH).
Complétant la règle, l’article R. 261-31 du CCH prévoit cinq cas de restitution automatique du dépôt de garantie. Ils ne sont pas limitatifs, mais les hypothèses non visées au texte sont source d’interprétation.
Actuellement, les vendeurs-constructeurs souhaiteront allonger le délai de livraison par rapport à ce qui avait été prévu dans le contrat préliminaire. Dès lors, en recevant le projet d’acte authentique, le réservataire constatera le report de ce délai. L’indication dans l’acte de VEFA du délai de livraison correspond à une mention obligatoire (art. L. 261-11, c, CCH).
LE RÉSERVATAIRE PEUT-IL, SANS PERDRE LE DÉPÔT DE GARANTIE, INVOQUER LE REPORT DU DÉLAI DE LIVRAISON POUR REFUSER DE SIGNER L’ACTE DE VEFA ?
En préalable, on remarquera que l’article 4 de l’ordonnance n° 2020-306, modifiée par l’ordonnance n° 2020-427, envisage notamment les chantiers de construction pour lesquels la livraison devait intervenir après la période juridiquement protégée (art. 4, al. 3). On en déduit, par exemple, que la clause pénale sanctionnant l’éventuelle retard de l’entrepreneur ne prendra effet qu’à une date reportée d’une durée égale au temps écoulé entre, d’une part, le 12 mars 2020 ou, si elle est plus tardive, la date à laquelle l’obligation est née et, d’autre part, la fin de cette période (Cf. Rapport au Président de la République, JORF 16 avril). On sait que la période juridiquement protégée est entre le 12 mars 2020 et l’expiration d’un délai d’un mois à compter de la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire (Cf. Circulaire du 26 mars 2020, NOR : JUSC 2008608C).
Ainsi, les obligations, autres que de sommes d’argent, devant être exécutées dans un délai déterminé expirant après la période juridiquement protégée, voient indirectement leur date ultime d’exécution reportée d’une durée égale au temps écoulé entre, d’une part, le 12 mars 2020 ou, si elle est plus tardive, la date à laquelle l’obligation est née et, d’autre part, la fin de cette période (art. 4, al. 3). L’objectif est de tenir compte des retards qui auront pu être accumulés pendant la période de crise sanitaire (Circulaire du 17 avril 2020, NOR : JUSC2009856C), sans que des sanctions s’appliquent aux intéressés.
A partir de cette règle, on peut, par extension, considérer, si le report du délai de livraison qui apparaît pour le réservataire lisant le projet d’acte authentique correspond à cette durée, qu’il ne peut pas en tirer argument pour ne pas poursuivre l’opération sans perdre son dépôt de garantie. On a implicitement l’idée de la force majeure, même si – à proprement parler – l’urgence sanitaire étant actuelle, elle ne peut plus au moment de la conclusion de la VEFA constituer un événement de force majeure.
Par contre, si le report indiqué dans le projet d’acte s’avère plus long, on peut estimer qu’il aura alors la possibilité de ne pas signer la VEFA, sans perdre le dépôt de garantie. On a toujours admis que le réservataire puisse invoquer pour réclamer la restitution du dépôt de garantie un délai de livraison de l’immeuble très différent du délai prévisionnel (v. not. : J.-L. Tixier, 20 questions sur le dénouement du contrat préliminaire, Opération immobilière, juin 2008). Cependant, dans ce cas, puisqu’il s’agit d’un motif non visé dans l’article R. 261-31 du CCH, sa pertinence relève de l’appréciation souveraine des juridictions, lesquelles sont ordinairement favorables aux réservataires (par ex. : Civ. 3, 12 avril 2012, n° 11-11764).
SI LE RÉSERVATAIRE ACCEPTE DE RÉGULARISER LA VEFA SELON LE PROJET NOTIFIÉ, AVEC UN DÉLAI DE LIVRAISON ALLONGÉ, BÉNÉFICIE-T-IL D’UN DROIT DE REPENTIR SELON L’ARTICLE L. 271-1 DU CCH ?
Normalement, le droit de rétractation a été purgé au moment de la conclusion du contrat de réservation et l’établissement de l’acte de VEFA n’est plus l’occasion d’ouvrir un droit de ce type. Certains commentateurs et praticiens estiment cependant qu’un tel droit ou un droit de réflexion au sens de l’article L. 271-1 du CCH devrait être purgé une nouvelle fois en cas de différences substantielles entre le contenu du contrat préliminaire et celui du contrat de VEFA (par ex. : J-Ph. Tricoire, La VEFA et la protection du « consommateur immobilier », JCP 2017, éd. N., 2017.1244, n° 15). En pratique, cela reviendrait à purger concomitamment les droits de réflexion des articles R. 261-30 et L. 271-1 du CCH, donc de ne jamais alors conclure la VEFA avant un minimum de 10 jours à compter de la notification ou de la remise du projet d’acte selon les modalités permises par le second texte. Naturellement, l’ouverture d’un tel droit ne pourrait intervenir qu’avec l’accord du vendeur-constructeur.
Toutefois, sous réserve de l’interprétation souveraine des juridictions, on peut considérer que la notification prévue par l’article R. 261-30 du Code de la construction et de l’habitation et la faculté qui en résulte pour le réservataire de ne pas signer l’acte de vente en l’état futur d’achèvement sans perdre le dépôt de garantie dès lors qu’il a un juste motif, tiré ou non de l’article R. 261-31 du CCH, est exclusive de l’ouverture d’un nouveau droit de rétraction ou de réflexion au sens de l’article L. 271-1 du même Code (sur la controverse : V. J.-Cl. Constr.-Urb., fasc. 83-50, n° 66 et les références ; v. aussi : H. Périnet-Marquet, JCP 2001, éd. N., p. 533).
C’est pourquoi, selon nous, aucun nouveau droit de rétractation ou droit de réflexion ne saurait bénéficier à l’acquéreur qui signe la VEFA, malgré les différences avec le contenu du contrat préliminaire à l’occasion duquel l’article L. 271-1 du CCH a déjà été mis en œuvre.
LA PROCURATION POUR ACHETER ?
Dans le secteur du logement, l’acte de VEFA est impérativement authentique, donc la forme s’impose à peine de nullité (art. L. 261-11, al. 1er, CCH). Par voie de conséquence, la procuration donnée par l’acquéreur – personne que le législateur entend protéger – doit impérativement être authentique.
Le notaire sera donc particulièrement attentif au respect de ce formalisme en cette période où le confinement interdit quasiment tout rendez-vous physique et amène une utilisation plus fréquente que d’ordinaire des procurations.
Évidemment, dans la mesure où il est concrètement réalisable, l’acte notarié à distance, tel que prévu par le décret n° 2020-395 du 3 avril 2020, serait la solution.
DAVID BOULANGER
(DIRECTEUR GÉNÉRAL DU CRIDON NORD-EST)