Actu Juridique

Un arrêt en date du 9 janvier 2019 permet, pour la première fois, à la Cour de cassation de préciser l’assiette du privilège de prêteurs de deniers en cas d’acquisition indivise, mais de prêt souscrit par un seul acquéreur (sur la question voir : Les sûretés immobilières en cas de pluralités d’emprunteurs ou d’acquéreurs, B. Pacot, Def. 2000, art. 37109). En l’espèce, deux concubins avaient acquis un ensemble immobilier, en indivision pour la nue-propriété, à concurrence respectivement de 38 % et 62 %, et en tontine pour l’usufruit. L’un des deux acquéreurs avait financé l’acquisition de sa part au moyen d’un prêt bancaire, garanti par un privilège de prêteur de deniers. Ce privilège avait été inscrit par le notaire sur la seule quote-part de cet acquéreur. Pourtant, confirmant la décision de la cour d’appel (sur celle-ci voir : Quelle assiette pour le privilège de prêteur de deniers lorsque l’immeuble est acquis par deux personnes et que l’une, seulement, emprunte ? C. Gijsbers, Def. 2018, p. 32) la Cour de cassation décide :

que, même dans l’hypothèse où un prêt est souscrit par l’un seulement des acquéreurs d’un bien immobilier, pour financer sa part, l’assiette du privilège de prêteur de deniers est constituée par la totalité de l’immeuble et le prêteur, titulaire d’une sûreté légale née antérieurement à l’indivision, peut se prévaloir des dispositions de l’article 815-17, alinéa 1er, du code civil.

Cette interprétation implique que le privilège grève de plein droit la totalité de l’immeuble acquis, même s’il est né du chef d’un seul acquéreur. Ainsi, la banque créancière peut poursuivre la vente forcée de l’immeuble dont elle avait partiellement financé l’acquisition sans engager une procédure préalable de partage et sans même que puissent lui être opposés les démembrements de la propriété convenus entre les acquéreurs. Le notaire qui n’inscrirait pas le privilège sur l’entier immeuble verrait alors sa responsabilité engagée selon l’article 1240 du Code civil. La Première Chambre civile de la Cour de cassation a d’ailleurs ajouté

que le notaire, tenu d’assurer l’efficacité des actes auxquels il prête son concours ou qu’il a reçu mandat d’accomplir, doit, sauf s’il en est dispensé expressément par les parties, veiller à l’accomplissement des formalités nécessaires à la mise en place des sûretés qui en garantissent l’exécution.

À défaut, le créancier subirait un préjudice puisque :

du fait de l’inscription du privilège de prêteur de deniers sur la seule part (de l’emprunteur) la banque (aurait), à l’égard des tiers, la qualité de créancier personnel du coïndivisaire emprunteur, de sorte qu’elle ne (pourrait) exercer son droit de poursuite sur l’immeuble indivis.