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Le projet de loi relatif à la croissance et à la transformation des entreprises (PACTE) a été adopté en lecture définitive par l’Assemblée nationale le 11 avril 2019. Certes, le Conseil constitutionnel a invalidé 24 articles du projet de loi, par sa décision (DC n°2019-781) du 16 mai 2017. Mais, des 221 articles adoptés, il reste la plus large partie. Surtout, les principales dispositions intéressant le droit des sociétés n’ont pas été affectées. Au final, ce PACTE vous séduira-t-il ?

Dans le cadre de cette courte présentation, nous avons choisi, non pas de prétendre à l’exhaustivité, mais plus modestement de placer sous la lumière quatre mesures importantes, en droit des sociétés, de ce projet de loi (qui devrait très prochainement devenir loi).

1.] SUPPRESSION PROGRESSIVE DES CENTRES DE FORMALITÉS DES ENTREPRISES (CFE) ET DÉMATÉRIALISATION DU PROCESSUS DE CRÉATION

A l’heure actuelle, le processus de création d’une entreprise (qu’elle soit ou non sociétaire) passe par la saisine d’un centre de formalités des entreprises. Rappelons notamment que le CFE reçoit le dossier (article R.123-1 du Code de commerce) envisagé à l’article 2 de la loi n°94-126, tel que modifié par la loi de modernisation de l’économie du 4 août 2008 :

Sous réserve de l’application des dispositions relatives à l’exercice des professions ou activités réglementées, l’obligation pour une entreprise de déclarer sa création, la modification de sa situation ou la cessation de ses activités auprès d’une administration, personne ou organisme visés à l’article 1er est légalement satisfaite par le dépôt d’un seul dossier comportant les diverses déclarations que ladite entreprise est tenue de remettre aux administrations, personnes ou organismes visés à l’article 1er. »

Existent sept réseaux de CFE gérés respectivement par les chambres de commerce et d’industrie (CCI), les chambres de métiers et de l’artisanat (CMA), les chambres d’agriculture, les greffes des tribunaux de commerce ou des tribunaux de grande instance, les URSSAF, les services des impôts des entreprises et la Chambre nationale de la batellerie artisanale.

L’article 1er du projet de loi PACTE prévoit la suppression progressive des différents réseaux de CFE, au profit de l’introduction d’un guichet unique électronique (les éléments communiqués devenant ainsi dématérialisés).

Un tel système ne pourra que contribuer à l’harmonisation de pratiques parfois hétéroclites.

Le dispositif est principalement mis en place par le nouvel article L.123-33 du Code de commerce :

À l’exception des procédures et formalités nécessaires à l’accès aux activités réglementées et à l’exercice de celles-ci, toute entreprise se conforme à l’obligation de déclarer sa création, la modification de sa situation ou la cessation de ses activités auprès d’une administration, d’une personne ou d’un organisme mentionnés à l’article L. 123-32 par le dépôt d’un seul dossier comportant les déclarations qu’elle est tenue d’effectuer.

Ce dossier est déposé par voie électronique auprès d’un organisme unique désigné à cet effet. Ce dépôt vaut déclaration auprès du destinataire dès lors que le dossier est régulier et complet à l’égard de celui-ci.

Tout prestataire de services entrant dans le champ d’application de la directive 2006/123/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur peut accomplir par voie électronique l’ensemble des procédures et formalités nécessaires à l’accès à son activité et à l’exercice de celle-ci auprès de l’organisme unique mentionné au deuxième alinéa du présent article.

Un décret en Conseil d’État désigne l’organisme unique mentionné au même deuxième alinéa, définit les conditions de dépôt du dossier ainsi que les modalités d’accompagnement et d’assistance des entreprises par les organismes consulaires et par l’organisme unique, précise les modalités de vérification du dossier et décrit les conditions de transmission des informations collectées par cet organisme unique aux administrations, aux personnes ou aux organismes mentionnés à l’article L. 123-32 ainsi que les conditions d’application du troisième alinéa du présent article. Il précise également les conditions dans lesquelles l’usager créant son entreprise par l’intermédiaire de l’organisme unique peut se voir proposer de façon facultative des outils permettant de le renseigner sur les détails et les enjeux de la vie d’une entreprise. »

La date d’entrée en vigueur du dispositif sera établie par décret, conformément au VIII de l’article 1er du projet de loi PACTE. Mais cette entrée en vigueur interviendra au plus tard le 1er janvier 2023. Quant à l’organisme dépositaire du dossier électronique, envisagé à l’article L.123-33 du Code de commerce, il sera mis en place au plus tard le 1er janvier 2021.

2.] CRÉATION D’UN REGISTRE GÉNÉRAL DÉMATÉRIALISÉ DES ENTREPRISES

Actuellement, existent plusieurs registres d’immatriculation des entreprises et sociétés. Le registre du commerce et des sociétés (RCS) centralise ainsi les informations relatives à de nombreuses entreprises. Malgré cette multiplicité des registres, certaines entreprises (entreprises libérales individuelles, principalement) ne sont pas assujetties à la moindre mesure d’immatriculation, ce qui, bien sûr, ne facilite pas la vérification des informations les concernant.
L’article 2 du projet de loi PACTE habilite le gouvernement à prendre par voie d’ordonnance les mesures relevant du domaine de la loi pour créer un registre dématérialisé des entreprises ayant pour objet de centraliser et de diffuser les informations les concernant. Il habilite également le gouvernement à simplifier les obligations déclaratives des entreprises et les modalités de contrôle des informations déclarées.

Le registre général dématérialisé des entreprises se substituera aux répertoires et registres d’entreprises existants ; à l’exception notable du répertoire SIRENE de l’INSEE.

L’ordonnance permettant la création du registre général dématérialisé des entreprises devra intervenir dans un délai de 24 mois à compter de la publication de la loi PACTE (article 2, I, du projet de loi).

3.] RÉDUCTION DU PÉRIMÈTRE D’INTERVENTION IMPÉRATIVE DES COMMISSAIRES AUX COMPTES

L’article 20 du projet de loi PACTE est relatif aux conditions de désignation des commissaires aux comptes (CAC) dans les sociétés commerciales. Cet article aura pour effet de diminuer considérablement le nombre de situations dans lesquelles la désignation d’un commissaire aux comptes est impérative.

Deux voies seront exploitées pour parvenir à un tel résultat : la suppression des différences de traitement entre les différentes formes sociales commerciales et l’augmentation des seuils entraînant, en cas de dépassement de deux seuils parmi trois, l’obligation de nommer un commissaire aux comptes.

Ainsi, les SNC, SARL, SAS, SCA et SA seront toutes tenues de désigner un commissaire dans les mêmes conditions. Les nouveaux seuils de déclenchement de l’obligation de désigner un CAC seront fixés par décret. Il est, à cet égard, probable que le décret consacre la volonté gouvernementale, telle qu’exprimée à l’occasion de la présentation du projet de loi, c’est-à-dire 4 M€ de bilan, 8 M€ de chiffre d’affaires et 50 salariés.

La différence sera particulièrement perceptible pour les sociétés qui, indépendamment de leur taille, étaient tenues de désigner un commissaire aux comptes (sociétés anonymes, sociétés en commandite par actions, voire sociétés par actions simplifiées – dès lors que ces SAS se trouvaient en situation de contrôle ou qu’elles étaient contrôlées).

En application du II de l’article 20 du projet de loi, l’entrée en vigueur des nouvelles mesures interviendra, en principe, à compter du premier exercice clos postérieurement à la publication du décret établissant les nouveaux seuils et, au plus tard, le 1er septembre 2019.
Cependant, il convient de noter que les mandats de commissaires aux comptes en cours d’exécution au jour de l’entrée en vigueur de l’article 20 se poursuivront jusqu’à leur date d’expiration.

4.] ASSOUPLISSEMENT DES POSSIBILITÉS DE FINANCEMENT DES SOCIÉTÉS

Le projet de loi PACTE, par deux articles distincts, assouplit le financement des sociétés sous deux angles : la suppression de la condition de détention capitalistique pour injecter des deniers en compte courant d’associé, ainsi que l’élargissement des possibilités de recourir aux prêts inter-entreprises.

L’article 76 du projet de loi PACTE procède à une modification de l’article L.312-2 du Code monétaire et financier, qui permettait jusqu’alors aux « fonds reçus ou laissés en compte par les associés en nom ou les commanditaires d’une société de personnes, les associés ou actionnaires détenant au moins 5% du capital social, les administrateurs, les membres du directoire et du conseil de surveillance ou les gérants ainsi que les fonds provenant de prêts participatifs » d’échapper à la qualification de fonds remboursables du public… ouvrant la voie à une qualification de compte courant d’associé.

La référence à la détention d’au moins 5% du capital social est supprimée par l’article 76 du projet de loi PACTE.

Concernant les prêts inter-entreprises, ceux-ci constituaient déjà une exception à l’interdiction relative aux opérations de crédit (sur cette interdiction, voir les termes de l’article L.511-5 du Code monétaire et financier).
Mais cette exception était strictement cantonnée par le 3) bis de l’article L.511-6 du Code monétaire et financier aux situations dans lesquelles des « sociétés par actions » ou « à responsabilité limitée dont les comptes font l’objet d’une certification par un commissaire aux comptes » consentaient, à titre accessoire à leur activité principale, des prêts à moins de deux ans à des microentreprises, des petites et moyennes entreprises ou à des entreprises de taille intermédiaire avec lesquelles elles entretenaient des liens économiques le justifiant.

Toutes les sociétés commerciales sont rendues éligibles à consentir des prêts. En outre, la durée maximum de ces prêts se trouve étendue de deux à trois ans (article 95 du projet de loi).

WILLIAM ALTIDE
(CONSULTANT AU CRIDON NORD-EST
MAÎTRE DE CONFÉRENCES ASSOCIÉ À L’UNIVERSITÉ DE LILLE
)

© FLASH n°4/2019 – 22 mai 2019