Actu professionnelleORDONNANCE N° 2020-306 DU 25 MARS 2020 RELATIVE À LA PROROGATION DES DÉLAIS ÉCHUS PENDANT LA PÉRIODE D'URGENCE SANITAIRE ET À L'ADAPTATION DES PROCÉDURES PENDANT CETTE MÊME PÉRIODE

GÉNÉRALITÉS INTRODUCTIVES :

Corollaire de la fermeture totale ou de l’interdiction de l’accès physique à la plupart des administrations et juridictions, l’exercice des droits et obligations tant des citoyens que le l’Administration, lato sensu, est rendu particulièrement ardu, voire impossible.

Par conséquent, autorisé par le pouvoir législatif, le Gouvernement a adopté une Ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant cette même période.

CADRE TEMPOREL :

Les dispositions de l’ordonnance sont applicables aux délais et mesures qui ont expiré ou qui expirent entre le 12 mars 2020 et l’expiration d’un délai d’un mois à compter de la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire. Or, selon l’article 4 de la loi du 23 mars 2020, l’état d’urgence sanitaire est déclaré pour « une durée de deux mois à compter de l’entrée en vigueur de la présente loi ». Par dérogation aux dispositions de l’article 1er du Code civil, l’article 22 alinéa 2 de la loi du 23 mars prévoit une entrée en vigueur immédiate. Le délai d’un mois additionnel expire donc le 24 juin 2020.

Les dispositions relatives à la prescription concernent donc les délais et mesures qui ont expiré ou qui expirent entre le 12 mars et le 24 juin 2020.

Par commodité, nous appellerons cette période, « période juridiquement protégée. ».

EFFET DE L’ORDONNANCE :

Selon l’article 2 de l’ordonnance, « tout acte, recours, action en justice, formalité, inscription, déclaration, notification ou publication prescrit par la loi ou le règlement à peine de nullité, sanction, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité, irrecevabilité, péremption, désistement d’office, application d’un régime particulier, non avenu ou déchéance d’un droit quelconque et qui aurait dû être accompli pendant la période [d’application de l’ordonnance] sera réputé avoir été fait à temps s’il a été effectué dans un délai qui ne peut excéder, à compter de la fin de cette période, le délai légalement imparti pour agir, dans la limite de deux mois.

Il en est de même de tout paiement prescrit par la loi ou le règlement en vue de l’acquisition ou de la conservation d’un droit ».

  • L’ordonnance ne dispense pas de l’accomplissement de la formalité en cause (action, recours, etc.) : celle-ci devra être exercée, mais dans un délai rallongé
  • Est-ce une cause d’interruption ou de suspension de la prescription ou un report de celle-ci ? rappelons que si la suspension du délai de prescription en arrête temporairement le cours sans effacer le délai déjà couru, en cas d’interruption au contraire un nouveau délai recommence à courir à compter de la date de l’acte interruptif (C. civ. art. 2230 et 2231). Enfin, en cas de report d’un délai de prescription, il est tenu compte du délai déjà écoulé (C. civ., art. 2222 al. 1er). Or, l’ordonnance précise que la formalité est réputée  avoir été faite à temps si elle a été effectuée dans un délai qui ne peut excéder, à compter de la fin de cette période, le délai légalement imparti pour agir, dans la limite de deux mois. Il s’agit ici davantage ici d’une interruption sui generis : le délai initialement prévu par la loi court à compter du 24 juin 2020, sans que la période antérieure ne soit prise en compte, mais ce nouveau délai est plafonné à deux mois.

CONSÉQUENCES PRATIQUES :

  • La formalité était déjà prescrite au 12 mars 2020 : elle reste prescrite, l’ordonnance n’ayant pas pour effet de faire revivre une action qui n’était plus possible à cette date
  • La formalité n’était pas prescrite au 12 mars et le dies a quem était initialement échu après le 24 juin 2020 : l’ordonnance ne concernant que les « délais échus pendant la période d’urgence sanitaire, une prescription prenant initialement fin après le 24 juin 2020– indépendamment des circonstances actuelles – n’est pas modifiée. Les règles d’origine restent applicables.
  • La prescription de la formalité était initialement prévue entre le 12 mars et le 24 juin 2020 : la formalité sera réputée accomplie si elle est réalisée dans le délai légalement prévu, dont le point de départ est reporté au 24 juin 2020. Si ce délai légal excède deux mois, il sera ramené à deux mois, soit un délai-butoir expirant le 24 août 2020.
Formalité prescrite
Echéance antérieure de la formalité (délai normal : 1 mois)
Echéance antérieure de la formalité (délai normal : 3 mois)

SANDRINE LE CHUITON
(CONSULTANTE AU CRIDON NORD-EST)