Actu professionnelleCOVID-19 : RÉTRACTATION DU CONSENTEMENT À ADOPTION

L’article 348-3 du Code civil dispose que « le consentement à l’adoption est donné devant un notaire français ou étranger, ou devant les agents diplomatiques ou consulaires français. Il peut également être reçu par le service de l’aide sociale à l’enfance lorsque l’enfant lui a été remis » (al.1er). Il prévoit encore que « le consentement à l’adoption peut être rétracté pendant deux mois… » (al.2). Ainsi le notaire peut-il être sollicité, le plus souvent dans le cadre d’une adoption intrafamiliale. Ainsi, peut-il être conduit à l’établissement d’un certificat de non-rétractation, deux mois après avoir reçu le(s) consentement(s) requis.

Après avoir déterminé les personnes titulaires de ce droit de repentir, il faut se demander si la période d’urgence sanitaire que nous traversons a des incidences sur la date d’expiration de ce délai de deux mois.

1 – TITULAIRES DU DROIT DE RÉTRACTATION

La pratique notariale révèle quelques hésitations à ce sujet. Aussi faut-il souligner que ce délai de rétractation de deux mois n’est offert qu’aux « parents » (al.3) de l’enfant mineur, qui auraient consenti à l’adoption dans un moment de détresse et qui regretteraient cet acte grave. En revanche, cette faculté de repentir ne peut pas être étendue au consentement donné par le conjoint de l’adoptant (Cass. 1e civ., 2 décembre 1997, n°95-17508- Defrénois 1998, p.1026, obs. J. Massip). De même, il n’y a plus lieu d’établir un certificat de non-rétractation dès lors que l’adopté est âgé de plus de treize ans. En effet, ce dernier « doit consentir personnellement » à son adoption et son consentement « peut être rétracté à tout moment jusqu’au prononcé de l’adoption » (C. civ., art.345, al.3). A fortiori, ce délai de rétractation ne concerne-t-il pas le futur adopté majeur, lequel peut apprécier seul et en toute connaissance de cause les conséquences de sa propre adoption (Rép. min., n° 18870, JO Sénat Q, 6 avril 2000, p. 1283 – RJPF, octobre 2000, n°34, obs. J. Vassaux ; V. aussi : CA Bourges, 8 novembre 2000 – RTD Civ. 2001, p. 577, obs. J. Hauser). L’établissement d’un certificat de non-rétractation se révèle inutile, puisqu’il n’empêcherait pas le majeur de se rétracter à la dernière minute.

Cela étant, dans la mesure où l’article 1165 du Code de procédure civile énonce que « les personnes habilitées à recevoir un consentement à l’adoption doivent informer celui qui le donne de la possibilité de le rétracter et des modalités de la rétractation » (al. 1er), il paraît judicieux de rappeler à la fois ce texte et son inapplication au futur adopté majeur, dans l’acte notarié contenant les consentements à adoption. Accessoirement, on peut remarquer que cet article 1165 se réfère, dans son second alinéa, à l’article 348-3 du Code civil, texte qui ne vise que la rétractation des parents du mineur.

A supposer que le notaire ait recueilli les consentements à adoption des père et mère d’un enfant âgé de moins de treize ans et que le délai de deux mois arrive à échéance pendant la période juridiquement protégée, faut-il en envisager la prorogation ?

2 – INCIDENCES DE LA PÉRIODE D’URGENCE SANITAIRE ?

L’article 2 de l’ordonnance n°2020-306 du 25 mars 2020 est désormais bien connu. Il prévoit un mécanisme de report du terme ou de l’échéance pour « tout acte, recours, action en justice, formalité, inscription, déclaration, notification ou publication prescrit par la loi ou le règlement à peine de nullité, sanction, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité, irrecevabilité, péremption, désistement d’office, application d’un régime particulier, non avenu ou déchéance d’un droit quelconque et qui aurait dû être accompli pendant la période » juridiquement protégée, soit entre le 12 mars 2020 et le 24 juin (si l’on postule que le 24 mai marquera la fin de l’état d’urgence sanitaire, ce qui est douteux). De plus, il « sera réputé avoir été fait à temps s’il a été effectué dans un délai qui ne peut excéder, à compter de la fin de cette période, le délai légalement imparti pour agir, dans la limite de deux mois » (donc au plus tard au 24 août 2020).

Toutefois, compte tenu des difficultés d’interprétation engendrées par ce texte, l’ordonnance n°2020-427 du 15 avril 2020 a ajouté un alinéa à cet article 2 pour exclure expressément du champ d’application de celui-ci les « délais de réflexion, de rétractation ou de renonciation prévus par la loi ou le règlement… ».

Il faut donc conclure que, dans le cas où le consentement à adoption peut être rétracté pendant deux mois, les dispositions relatives à la prorogation des délais échus pendant la crise sanitaire ne s’appliquent pas. Ce délai de deux mois est toujours « fixe ».

JOËLLE VASSAUX
(CONSULTANTE ASSOCIÉE AU CRIDON NORD-EST)