FlashsTVA SUR MARGE : LE CONSEIL D’ÉTAT APPROUVE « L’IDENTITÉ DE QUALIFICATION » !

Une divergence d’analyse existait sur la question de l’assiette de TVA exigible lors de la vente d’un terrain à bâtir acquis comme immeuble bâti.

Selon le Code général des impôts, la TVA exigible lors de la cession d’un terrain à bâtir est assise sur la marge si l’acquisition du bien par le vendeur n’a pas ouvert droit à déduction de TVA. Ce principe est prévu par l’article 268 du CGI. Lequel subordonne, stricto sensu, l’application de la TVA sur marge à une condition unique : l’absence de droit à déduction lors de l’acquisition du bien.

L’administration fiscale se montre plus exigeante, ou plus précise, que le Législateur. Dans sa doctrine administrative, elle considère que la TVA exigible lors de la vente d’un terrain à bâtir, est assise sur la marge si deux conditions sont réunies :

  • l’acquisition par le cédant n’a pas ouvert droit à déduction de TVA,
  • le bien revendu a été acquis sous la même qualification

En effet, on relève « Il n’y a lieu de rechercher le régime de l’acquisition aux fins de déterminer la base d’imposition que pour les seules livraisons d’immeubles acquis et revendus en gardant la même qualification, c’est-à-dire respectivement :

  • de terrains à bâtir qui ont été acquis précédemment comme terrains n’ayant pas le caractère d’immeubles bâtis ;
  • ou d’immeubles achevés depuis plus de cinq ans qui ont été acquis précédemment en l’état d’immeuble déjà bâti.
EXEMPLE :

Cession d’un immeuble, plus de cinq ans après son achèvement, par un investisseur qui en a assuré la maîtrise d’ouvrage. Si l’investisseur décide de soumettre la cession à la taxe, l’article 268 du CGI ne peut trouver à s’appliquer dès lors que le bien n’a pas été acquis en son état d’immeuble bâti, que le terrain d’emprise ait été acquis par le cédant lui-même antérieurement à la construction, voire que celle-ci ait fait suite à une acquisition en l’état d’immeuble ancien elle-même suivie d’une démolition. ».[1]

La position doctrinale a pourtant été à plusieurs reprises désavouée par les tribunaux de second degré. Les juges[2] considéraient que « la circonstance que les caractéristiques physiques et la qualification juridique du bien acheté ont été modifiées avant la cession est sans incidence sur l’application du régime de taxe sur la valeur ajoutée sur la marge au sens de l’article 268 du Code général des impôts, dès lors que les terrains cédés correspondent à des terrains à bâtir ».[3]

Le Conseil d’état vient de trancher [4]. Il valide la position de l’administration fiscale et sa fine analyse. Il l’a fait notamment à la lumière de l’article 392 de la directive communautaire TVA. Cet article précise « Les États membres peuvent prévoir que, pour les livraisons de bâtiments et de terrains à bâtir achetés en vue de la revente par un assujetti qui n’a pas eu droit à déduction à l’occasion de l’acquisition, la base d’imposition est constituée par la différence entre le prix de vente et le prix d’achat. »[5]

Le Conseil d’état en déduit :

« 7. Il résulte de ces dernières dispositions, lues à la lumière de celles de la directive dont elles ont pour objet d’assurer la transposition, que les règles de calcul dérogatoires de la taxe sur la valeur ajoutée qu’elles prévoient s’appliquent aux opérations de cession de terrains à bâtir qui ont été acquis en vue de leur revente et ne s’appliquent donc pas à une cession de terrains à bâtir qui, lors de leur acquisition, avaient le caractère d’un terrain bâti, quand le bâtiment qui y était édifié a fait l’objet d’une démolition de la part de l’acheteur-revendeur.

8. Il suit de là que la cour administrative d’appel a commis une erreur de droit en jugeant qu’il résultait des dispositions des articles 268 du code général des impôts et 392 de la directive du 28 novembre 2006 que le bénéfice du régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge était subordonné à la seule condition que l’acquisition du bien cédé n’ait pas ouvert droit à déduction de la taxe et en jugeant sans incidence sur sa mise en œuvre la circonstance que les caractéristiques physiques et la qualification du bien en cause aient été modifiées entre son acquisition et sa vente.

9. Par suite, le ministre de l’action et des comptes publics est fondé à demander, pour ce motif, l’annulation de l’article 2 de l’arrêt attaqué. »

Pour le Conseil d’état, l’article 268 du CGI induit donc une identité de qualification entre l’acquisition et la revente.

Pour l’avenir, il pourrait être opportun que l’administration fiscale clarifie la notion « d’immeubles acquis et revendus en gardant la même qualification ». De quelle qualification parle-t-on ?

Même si nous savons aujourd’hui que la vente d’un terrain à bâtir acquis comme immeuble bâti après démolition doit être soumise à la TVA sur prix total… Avec cette jurisprudence, la réponse Jean-Pierre Vogel[6] prend tout son sens !

[1]  V. doctrine administrative actuellement en vigueur BOI-TVA-IMM-10-20-10-20200122, § 20 Réponse ministérielle VOGEL, n° 04171, JO Sénat 17 mai 2018, p. 2361 Réponse ministérielle FALORNI, n° 1835, JO AN 24 septembre 2019.

[2] CAA de LYON, 25 juin 2019, arrêt n° 18LY00671.

[3]  Dans le même sens : CAA de Lyon du 27 août 2019, n° 19LY01260 ;CAA LYON, 20 décembre 2018, n°17LY03359 ;CAA MARSEILLE, 12 avril 2019, n° 18MA00802, SARL RGMB : « Il ne résulte pas des dispositions précédemment citées [c’est-à-dire l’article 268 du CGI], qui sont claires, que … [la TVA sur marge] serait réservée, en cas de revente de terrains à bâtir, aux achats de biens constitués exclusivement de tels terrains » ; CAA LYON, 7 mai 2019, n° 18LY01019.

[4] Arrêt du Conseil d’État du 27 mars 2020, n° 428234 : voir.

[5] Directive 2006/112/CE – Le système commun de taxe sur la valeur ajoutée de l’Union européenne : voir.

[6] RM Jean-Pierre Vogel, JO Sénat du 17 mai 2018, question n°04171 européenne : voir.