Actu professionnelleCOMMENT DÉLIVRER UN CONGÉ POUR VENDRE ?

AVERTISSEMENT :

  • Nouvelle mise à jour suite à l’ordonnance n° 2020-560 du 13 mai 2020 fixant les délais applicables à diverses procédures pendant la période d’urgence sanitaire.
  • Mise à jour suite à l’ordonnance n° 2020-427 du 15 avril 2020 portant diverses dispositions en matière de délais pour faire face à l’épidémie de covid-19.
  • Mise à jour suite à l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant cette même période.

L’article 15 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 prévoit plusieurs types de congé, dont le congé pour vendre.

ATTENTION :
cet article ne s’applique qu’aux locaux loués pour un usage exclusif de résidence principale et non meublés

QUAND DOIT ÊTRE NOTIFIÉ LE CONGÉ POUR VENDRE ?

Le congé pour vendre doit impérativement être notifié pour le terme du bail en respectant un délai de préavis de six mois minimum.

SOUS QUELLE FORME PEUT-IL ÊTRE NOTIFIÉ ?

Le congé doit être notifié par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, signifié par acte d’huissier ou remis en main propre contre récépissé ou émargement.

On recommandera la LRAR électronique à condition naturellement de respecter la certification eIDAS et d’avoir l’accord des parties.

ATTENTION :
car si on délivre par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, le délai de préavis court à compter de la réception de la lettre et non de la première présentation (v. par exemple : CA Fort-de-France, Ch. civ., 24 avril 2018, n° 16/00848, JurisData n° 2018-006933).

Il semble légitime de s’interroger sur la possibilité, en cette période, de notifier un congé dans les délais prévus par l’article 15 (six mois avant le terme).

En effet, comment faire si le congé doit être notifié par le bailleur entre le 12 mars et le 23 juin 2020 ?

L’article 5 de l’ordonnance énonce que « lorsqu’une convention ne peut être résiliée que durant une période déterminée ou qu’elle est renouvelée en l’absence de dénonciation dans un délai déterminé, cette période ou ce délai sont prolongés s’ils expirent durant la période définie au I de l’article 1er, de deux mois après la fin de cette période ».

La période mentionnée à l’article 1er correspond à la période allant du 12 mars au 23 juin 2020 inclus

  • Si le propriétaire doit délivrer son congé après le 23 juin 2020, rien ne change : les délais doivent être respectés normalement ;
  • Si le propriétaire doit notifier son congé entre le 12 mars et le 23 juin 2020, il pourra notifier son congé jusqu’au terme des deux mois après la fin de cette période, c’est-à-dire 24 juin 2020 + 2 mois.

EXEMPLE :

On prend le cas d’un bail qui prend fin le 30 septembre 2020 ; le propriétaire doit notifier son congé au plus tard le 30 mars 2020 (respect du délai de préavis de six mois). La date est bien comprise entre le 12 mars et le 23 juin 2020.

Dans ce cas, le propriétaire peut notifier jusqu’au 23 août 2020 puisqu’on prend 24 juin + 2 mois. A compter du 24 août, le propriétaire ne pourra plus délivrer le congé.

ATTENTION : car la date à prendre en compte est la date de réception pour une LRAR et pas la première présentation (cf. ci-dessus).

L’article 5 de l’ordonnance ne prévoit pas de mesure particulière pour le respect du délai de préavis mais le délai de six mois doit, à notre sens, toujours être respecté. Donc, si le propriétaire notifie son congé le 20 juillet 2020 (pas de souci car on est à une date antérieure au 24 août), le locataire pourra rester jusqu’au 20 janvier 2021.

Par contre, si le propriétaire réussit, malgré la période actuelle, à notifier son congé dans les temps, le bail prendra-t-il fin au terme prévu dans le contrat, soit, dans notre exemple, le 30 septembre 2020 ? A notre sens, oui.

Le propriétaire peut délivrer son congé jusqu’au 23 août mais il peut également le faire dans les temps.

LE CONGÉ POUR VENDRE PEUT-IL ÊTRE DÉLIVRÉ DE MANIÈRE ANTICIPÉE ?

Le bailleur peut parfaitement effectuer une notification anticipée du congé. En effet, seul un délai de préavis minimum de six mois antérieurement au terme doit être respecté. Toutefois, la notification anticipée du congé ne permet pas d’ouvrir le droit de préemption du locataire ; en effet, ce dernier ne s’ouvrira que six mois avant le terme du bail pendant deux mois. La renonciation du locataire à son droit de préemption antérieurement à cette date n’a donc aucun effet et il pourra décider d’acquérir le bien une fois son droit de préemption ouvert.

QUI PEUT DÉLIVRER UN CONGÉ POUR VENDRE ?

Lorsque le congé pour vendre donne ouverture au droit de préemption du locataire, il s’accompagne d’une offre de vente ; il requiert donc la capacité et le pouvoir nécessaires pour faire des actes de disposition.

Exemples : les deux époux doivent notifier le congé, l’usufruitier seul ne peut pas délivrer le congé pour vendre, le congé doit être notifié au nom de tous les indivisaires, le mandataire ne peut délivrer un congé pour vendre que s’il en a reçu le pouvoir…

A QUELLE ADRESSE DÉLIVRER L’OFFRE DE VENTE DANS LE CADRE DU DROIT DE PRÉEMPTION SUBSIDIAIRE ?

La seconde notification doit être effectuée à l’adresse indiquée par le locataire ou, si le locataire n’a pas fait connaître cette adresse, à l’adresse dont la location avait été consentie. Si le locataire n’a pas fait connaître sa nouvelle adresse au bailleur et que le notaire a réalisé une recherche sans trouver cette adresse, la notification doit alors être effectuée à l’adresse des locaux dont la location avait été consentie et, par conséquent, le recours à l’acte d’huissier semble indispensable.

LA RÉPONSE DU LOCATAIRE EST-ELLE SOUMISE À UN FORMALISME ?

Non, à aucun formalisme, mais le locataire doit impérativement répondre dans le délai de deux mois prévus par l’article 15 (ou un mois pour le droit de préemption subsidiaire).

Cependant, l’article 2 de l’ordonnance, prévoit que :

« Tout acte, recours, action en justice, formalité, inscription, déclaration, notification ou publication prescrit par la loi ou le règlement à peine de nullité, sanction, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité, irrecevabilité, péremption, désistement d’office, application d’un régime particulier, non avenu ou déchéance d’un droit quelconque et qui aurait dû être accompli pendant la période mentionnée à l’article 1er sera réputé avoir été fait à temps s’il a été effectué dans un délai qui ne peut excéder, à compter de la fin de cette période, le délai légalement imparti pour agir, dans la limite de deux mois.

Il en est de même de tout paiement prescrit par la loi ou le règlement en vue de l’acquisition ou de la conservation d’un droit.

Le présent article n’est pas applicable aux délais de réflexion, de rétractation ou de renonciation prévus par la loi ou le règlement, ni aux délais prévus pour le remboursement de sommes d’argent en cas d’exercice de ces droits ».

Cet article s’applique-t-il au droit de préemption du locataire ? L’hésitation est permise.

Dans la FAQ du CSN, on lit notamment que le délai de préemption est exclu du champ d’application de l’article 2 car il s’agit d’un délai de réflexion. Cela étant, le rapport au Président de la République (v. rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance n° 2020-427 du 15 avril 2020 portant diverses dispositions en matière de délais pour faire face à l’épidémie de covid-19) précise que les délais de réflexion sont des « délais avant l’expiration desquels le destinataire d’une offre contractuelle ne peut manifester son acceptation ». Or, en matière de droit de préemption, le mécanisme est inverse : le locataire doit agir durant le délai qui lui est offert.

Puisque diverses interprétations peuvent être retenues, il nous paraît d’évidence plus prudent d’essayer d’obtenir une renonciation expresse du locataire avant de conclure la vente au profit d’un tiers acquéreur.

A défaut :

Si le locataire refuse de répondre explicitement, suivant une analyse littérale du rapport au Président de la République (précit.), nous considérons que le mécanisme de l’article 2 doit être mis en œuvre :

 

  • Si le locataire s’est vu notifier son droit de préemption avant le 12 mars et que la fin du délai a lieu entre le 12 mars et le 23 juin 2020.
  • Ou si le locataire se voit notifier son droit de préemption entre le 12 mars et le 23 juin et que la fin du délai a lieu entre le 12 mars et le 23 juin 2020.

Le locataire pourra préempter jusqu’au 24 juin 2020 + délai légal (2 mois ou 1 mois en l’espèce). Donc jusqu’au 23 août (ou 23 juillet). A compter du 24 août (ou du 24 juillet), le locataire n’aura plus la possibilité de préempter.

QUEL EST LE DÉLAI DE RÉALISATION DE LA VENTE ?

La vente doit être réalisée dans un délai de deux mois ou quatre mois (si le locataire recourt à un prêt), à compter de la date d’envoi de la réponse du locataire.

Mais, toujours en vertu de l’article 2 de l’ordonnance, tout acte prescrit par la loi à peine de déchéance d’un droit quelconque et qui aurait dû être accompli entre le 12 mars et le 23 juin 2020 sera réputé avoir été fait à temps s’il a été effectué dans un délai qui ne peut excéder, à compter de la fin de cette période, le délai légalement imparti pour agir, dans la limite de deux mois.

EXEMPLE :

Si la vente doit être réalisée au plus tard le 20 mai (on est bien entre le 12 mars et le  23 juin), elle pourra être réalisée jusqu’au  23 août, que le locataire souhaite ou non recourir à un prêt (car l’article 2 prévoit une limite de deux mois). 24 juin + 2 mois = 23 août. A compter du 24 août, la vente ne devra plus être réalisée au profit du locataire.

MAËVA FLEURY
(CONSULTANTE AU CRIDON NORD-EST)