Actu professionnelleCovid-19 : délais en matière de baux d’habitation et de baux commerciaux
Nouvelle mise à jour suite à l’ordonnance n° 2020-560 du 13 mai 2020 fixant les délais applicables à diverses procédures pendant la période d’urgence sanitaire.
Mise à jour suite à l’ordonnance n° 2020-427 du 15 avril 2020 portant diverses dispositions en matière de délais pour faire face à l’épidémie de covid-19.

Il convient de s’interroger sur l’impact de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant cette même période en matière de baux d’habitation et de baux commerciaux.

Bail à usage d’habitation soumis au Titre Ier de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 (résidence principale + locaux non meublés).

  • 1. Le bail arrive à terme entre le 12 mars et le 23 juin 2020 :

La notification du congé a été faite régulièrement. Dans ce cas, le bail prend fin à la date qui était prévue entre le 12 mars et le 23 juin 2020. Le locataire ne peut qu’invoquer la force majeure ou l’imprévision ; s’il est dans l’impossibilité matérielle de déménager, une convention d’occupation précaire va lier les parties.

  • 2. Le congé délivré par le bailleur aurait dû être notifié entre le 12 mars et le 23 juin 2020 :

L’article 5 de l’ordonnance énonce que « lorsqu’une convention ne peut être résiliée que durant une période déterminée ou qu’elle est renouvelée en l’absence de dénonciation dans un délai déterminé, cette période ou ce délai sont prolongés s’ils expirent durant la période définie au I de l’article 1er, de deux mois après la fin de cette période ».

La période mentionnée à l’article 1er correspond à la période allant du 12 mars au 23 juin 2020 inclus

  • Si le propriétaire doit délivrer son congé après le 23 juin 2020, rien ne change : les délais doivent être respectés normalement ;
  • Si le propriétaire doit notifier son congé entre le 12 mars et le 23 juin 2020, il pourra notifier son congé jusqu’au terme des deux mois, après la fin de cette période, c’est-à-dire 24 juin 2020 + 2 mois. Soit jusqu’au 23 août.
EXEMPLE :

On prend le cas d’un bail qui prend fin le 30 septembre 2020 ; le propriétaire doit notifier son congé au plus tard le 30 mars 2020 (respect du délai de préavis de six mois). La date est bien comprise entre le 12 mars et le 23 juin 2020.

Dans ce cas, le propriétaire peut notifier jusqu’au 23 août 2020 puisqu’on prend 24 juin + 2 mois.

ATTENTION :

car la date à prendre en compte est la date de réception pour une LRAR et pas la première présentation

L’article 5 de l’ordonnance ne prévoit pas de mesure particulière pour le respect du délai de préavis mais le délai de six mois doit, à notre sens, toujours être respecté. Donc, si le propriétaire notifie son congé le 20 juillet 2020 (pas de souci car on est à une date antérieure au 24 août), le locataire pourra rester jusqu’au 20 janvier 2021.

Par contre, si le propriétaire réussit, malgré la période actuelle, à notifier son congé dans les temps, le bail prendra-t-il fin au terme prévu dans le contrat, soit, dans notre exemple, le 30 septembre 2020 ? A notre sens, oui.

Le propriétaire peut délivrer son congé jusqu’au 23 août mais il peut également le faire dans les temps.

Le droit de préemption (art. 15 de la loi du 6 juillet 1989, art. 10 et 10-1 de la loi du 31 décembre 1975, art. L. 145-46-1 du Code de commerce) est notifié avant le 12 mars mais le délai expire entre le 12 mars et le 23 juin 2020 ou le droit de préemption est notifié entre le 12 mars et le 23 juin 2020 et le délai expire entre le 12 mars et le 23 juin 2020 :

L’article 2 de l’ordonnance n° 2020-306, prévoit que :

« Tout acte, recours, action en justice, formalité, inscription, déclaration, notification ou publication prescrit par la loi ou le règlement à peine de nullité, sanction, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité, irrecevabilité, péremption, désistement d’office, application d’un régime particulier, non avenu ou déchéance d’un droit quelconque et qui aurait dû être accompli pendant la période mentionnée à l’article 1er sera réputé avoir été fait à temps s’il a été effectué dans un délai qui ne peut excéder, à compter de la fin de cette période, le délai légalement imparti pour agir, dans la limite de deux mois.

Il en est de même de tout paiement prescrit par la loi ou le règlement en vue de l’acquisition ou de la conservation d’un droit.

Le présent article n’est pas applicable aux délais de réflexion, de rétractation ou de renonciation prévus par la loi ou le règlement, ni aux délais prévus pour le remboursement de sommes d’argent en cas d’exercice de ces droits ».

Cet article s’applique-t-il au droit de préemption du locataire ? L’hésitation est permise.

Dans la FAQ du CSN, on lit notamment que le délai de préemption est exclu du champ d’application de l’article 2 car il s’agit d’un délai de réflexion. Cela étant, le rapport au Président de la République (v. rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance n° 2020-427 du 15 avril 2020 portant diverses dispositions en matière de délais pour faire face à l’épidémie de covid-19) précise que les délais de réflexion sont des « délais avant l’expiration desquels le destinataire d’une offre contractuelle ne peut manifester son acceptation ». Or, en matière de droit de préemption, le mécanisme est inverse : le locataire doit agir durant le délai qui lui est offert.

Puisque diverses interprétations peuvent être retenues, il nous paraît d’évidence plus prudent d’essayer d’obtenir une renonciation expresse du locataire avant de conclure la vente au profit d’un tiers acquéreur.

 

A défaut :

Si le locataire refuse de répondre explicitement, suivant une analyse littérale du rapport au Président de la République (précit.), nous considérons que le mécanisme de l’article 2 doit être mis en œuvre. Le locataire pourra répondre jusqu’au 24 juin 2020 + délai légalement prévu (dans la limite de deux mois).

Prenons quelques exemples :

EXEMPLE POUR LE LOCATAIRE COMMERCIAL :

Le propriétaire notifie au locataire le 30 mars (notification entre le 12 mars et le 23 juin), ce dernier peut, en vertu de l’article 2 de l’ordonnance, décider de préempter jusqu’au 23 juillet (puisque le délai prévu par l’article L. 145-46-1 du Code de commerce est un mois : 24 juin + 1 mois = 23 juillet).

EXEMPLES POUR L’ARTICLE 10-1 DE LA LOI DU 31 DÉCEMBRE 1975 :

Le délai de réponse du locataire est, cette fois-ci, de quatre mois.

  • Le propriétaire a notifié le droit de préemption du locataire le 30 décembre 2019, le locataire a, jusqu’au 30 avril pour accepter : le 30 avril est situé entre le 12 mars et le 23 juin. Donc, à compter du 24 juin 2020, le locataire aura deux mois pour répondre (et non plus quatre puisque l’article 2 de l’ordonnance prévoit « dans la limite de deux mois »), soit jusqu’au 23 août 2020. A compter du 24 août, le locataire n’aura plus la possibilité de préempter.
  • Le propriétaire a notifié le droit de préemption du locataire le 10 mars, le locataire a reçu cette notification le même jour, soit avant le 12 mars. Mais le délai de quatre mois expire le 10 juillet, soit postérieurement au 23 juin. Dans cette hypothèse, l’acte ne doit pas être réalisé entre le 12 mars et le 23 juin mais peut être réalisé pendant cette période. En appliquant strictement le texte, il convient de considérer que les délais ne sont pas modifiés. Le locataire pourra accepter jusqu’au 10 juillet 2020.

Le locataire a préempté et la vente doit être réalisée au plus tard entre le 12 mars et le 23 juin :

 

En vertu des dispositions de l’article 2 de l’ordonnance n° 2020-306, tout acte prescrit par la loi à peine de déchéance d’un droit quelconque et qui aurait dû être accompli entre le 12 mars et le 23 juin 2020 sera réputé avoir été fait à temps s’il a été effectué dans un délai qui ne peut excéder, à compter de la fin de cette période, le délai légalement imparti pour agir, dans la limite de deux mois.

EXEMPLE :

Si la vente doit être réalisée au plus tard le 20 mai (on est bien entre le 12 mars et le 23 juin), elle pourra être réalisée jusqu’au 23 août, que le locataire souhaite ou non recourir à un prêt (car l’article 2 prévoit une limite de deux mois). 24 juin + 2 mois = 23 août. A compter du 24 août, la vente ne devra plus être réalisée au profit du locataire.

MAËVA FLEURY
(CONSULTANTE AU CRIDON NORD-EST)