AVERTISSEMENT :
Mise à jour suite à l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant cette même période.
L’article L. 145-46-1 du Code de commerce prévoit un droit de préférence au profit du locataire commercial. Comment l’appliquer durant cette période ?
QUI NOTIFIE LE DROIT DE PRÉFÉRENCE ?
Le propriétaire notifie le droit de préférence.
Exemple : en cas de démembrement c’est la vente de la nue-propriété, en cas d’indivision, la vente de leur quote-part par tous les indivisaires…
Bien sûr, on peut donner mandat pour que soit réalisée cette notification.
SOUS QUELLE FORME DOIT-ON NOTIFIER LE DROIT DE PRÉFÉRENCE DU LOCATAIRE ?
Le texte prévoit « par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, ou remise en main propre contre récépissé ou émargement » mais on peut toujours utiliser la signification par acte d’huissier (C. de procédure civile, art. 651).
Au vu des différentes formes autorisées, la notification peut toujours, à notre sens, être effectuée durant cette période. Les services postaux doivent en principe continuer de fonctionner même si la LRAR électronique semble être la plus adaptée à la situation (à condition naturellement de respecter la certification eIDAS et d’avoir l’accord des parties).
Nous vous rappelons que de nombreuses études d’huissiers fonctionnent et que les actes sont délivrés sans contact physique, par avis de passage déposé dans la boite aux lettres et dépôt de l’acte à l’Étude. Le mécanisme est prévu par les articles 656, 657 et 658 du Code de procédure civile et vaut signification. La Chambre nationale des huissiers de justice a également mis en place un service adapté à la période actuelle : SECURACT. Il permet la signification des actes d’huissier de justice par le biais de signature électronique qualifiée et d’archivage électronique à valeur probante.
SUR QUOI PORTE LE DROIT DE PRÉFÉRENCE ?
Uniquement sur le local loué.
LA RÉPONSE DU LOCATAIRE EST-ELLE SOUMISE À UN FORMALISME ?
Non, à aucun formalisme mais il doit impérativement répondre dans un délai d’un mois et la preuve doit pouvoir être rapportée.
Cependant, l’article 2 de l’ordonnance, prévoit que :
« Tout acte, recours, action en justice, formalité, inscription, déclaration, notification ou publication prescrit par la loi ou le règlement à peine de nullité, sanction, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité, irrecevabilité, péremption, désistement d’office, application d’un régime particulier, non avenu ou déchéance d’un droit quelconque et qui aurait dû être accompli pendant la période mentionnée à l’article 1er sera réputé avoir été fait à temps s’il a été effectué dans un délai qui ne peut excéder, à compter de la fin de cette période, le délai légalement imparti pour agir, dans la limite de deux mois.
Il en est de même de tout paiement prescrit par la loi ou le règlement en vue de l’acquisition ou de la conservation d’un droit.
Le présent article n’est pas applicable aux délais de réflexion, de rétractation ou de renonciation prévus par la loi ou le règlement, ni aux délais prévus pour le remboursement de sommes d’argent en cas d’exercice de ces droits ».
La période mentionnée à l’article 1er correspond à la période allant du 12 mars au 23 juin 2020 inclus.
Cet article s’applique-t-il au droit de préemption du locataire ? L’hésitation est permise.
Dans la FAQ du CSN, on lit notamment que le délai de préemption est exclu du champ d’application de l’article 2 car il s’agit d’un délai de réflexion. Cela étant, le rapport au Président de la République (v. rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance n° 2020-427 du 15 avril 2020 portant diverses dispositions en matière de délais pour faire face à l’épidémie de covid-19) précise que les délais de réflexion sont des « délais avant l’expiration desquels le destinataire d’une offre contractuelle ne peut manifester son acceptation ». Or, en matière de droit de préemption, le mécanisme est inverse : le locataire doit agir durant le délai qui lui est offert.
Puisque diverses interprétations peuvent être retenues, il nous paraît d’évidence plus prudent d’essayer d’obtenir une renonciation expresse du locataire avant de conclure la vente au profit d’un tiers acquéreur.
A défaut :
Si le locataire refuse de répondre explicitement, suivant une analyse littérale du rapport au Président de la République (précit.), nous considérons que le mécanisme de l’article 2 doit être mis en œuvre :
- Si le locataire s’est vu notifier son droit de préemption avant le 12 mars et que la fin du délai a lieu entre le 12 mars et le 23 juin 2020.
- Ou si le locataire se voit notifier son droit de préemption entre le 12 mars et le 23 juin 2020 et que la fin du délai a lieu entre le 12 mars et le 23 juin 2020.
Le locataire pourra préempter jusqu’au 23 juin 2020 + délai légal (soit 1 mois en l’espèce).
EXEMPLE :
- Le propriétaire notifie au locataire le 30 mars, ce dernier peut, en vertu de l’article 2 de l’ordonnance, décider de préempter jusqu’au 23 juillet (24 juin + 1 mois (délai prévu par L. 145-46-1) = 23 juillet). A compter du 24 juillet, le locataire n’aura plus la possibilité de préempter.
QUEL EST LE DÉLAI DE RÉALISATION DE LA VENTE ?
La vente doit être réalisée dans un délai de deux mois ou quatre mois (si le locataire recourt à un prêt), à compter de la date d’envoi de la réponse du locataire.
Mais, toujours en vertu de l’article 2 de l’ordonnance, tout acte prescrit par la loi à peine de déchéance d’un droit quelconque et qui aurait dû être accompli entre le 12 mars et le 23 juin 2020 sera réputé avoir été fait à temps s’il a été effectué dans un délai qui ne peut excéder, à compter de la fin de cette période, le délai légalement imparti pour agir, dans la limite de deux mois.
EXEMPLE :
MAËVA FLEURY
(CONSULTANTE AU CRIDON NORD-EST)