Actu professionnelleCOMMENT NOTIFIER LE DROIT DE PRÉEMPTION DE L’ARTICLE 10 DE LA LOI DU 31 DÉCEMBRE 1975 ?

AVERTISSEMENT :

Nouvelle mise à jour suite à l’ordonnance n° 2020-560 du 13 mai 2020 fixant les délais applicables à diverses procédures pendant la période d’urgence sanitaire
Mise à jour suite à l’ordonnance n° 2020-427 du 15 avril 2020 portant diverses dispositions en matière de délais pour faire face à l’épidémie de covid-19.
Mise à jour suite à l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant cette même période.

QUEL EST L’OBJET DE CE DROIT DE PRÉEMPTION ?

Le locataire bénéficie, en vertu de l’article 10 de la loi n° 75-1351 du 31 décembre 1975, d’un droit de préemption lorsqu’il s’agit de la première vente du bien à usage d’habitation ou à usage mixte d’habitation et professionnel depuis la division ou la subdivision de l’immeuble.

QUI BÉNÉFICIE D’UN DROIT DE PRÉEMPTION ?

Il suffit que les locaux soient à usage d’habitation ou à usage mixte d’habitation et professionnel. Il n’est donc pas nécessaire que le locataire occupe les locaux à titre de résidence principale.

Il pourra donc s’agir d’un bail soumis au Titre Ier ou Ier bis de la loi du 6 juillet 1989, à la loi du 1er septembre 1948 ou encore aux dispositions du Code civil.

QUAND DOIT-ON NOTIFIER CE DROIT DE PRÉEMPTION ?

Le bailleur doit informer son locataire de son intention de vendre avant la conclusion de toute vente. Or, le compromis vaut vente si les parties se sont accordées sur la chose et sur le prix, conformément à l’article 1589 du Code civil.

La Cour de cassation a prononcé la nullité d’un compromis et de l’offre de vente faite au locataire, au motif que cette offre était postérieure à la date de signature du compromis, « peu important la date de réitération de la vente » (Cass. 3ème civ., 13 octobre 2016, n° 15-21238).

Par conséquent, la notification d’une offre de vente doit être effectuée dès que le propriétaire décide de vendre, soit avant la conclusion de toute promesse synallagmatique ou unilatérale de vente.

Il paraît indispensable, en cette période, de continuer à respecter cette condition. Aucune PUV ou PSV ne pourra être conclue en l’absence de purge du droit de préemption.

SOUS QUELLE FORME DOIT-ON NOTIFIER CE DROIT DE PRÉEMPTION ?

Seule la lettre recommandée avec demande d’avis de réception est prévue mais on peut utiliser la signification par acte d’huissier (C. de procédure civile, art. 651) ou la remise en main propre contre récépissé ou émargement (C. de procédure civil, art. 667). On déconseille cette dernière hypothèse.D’ailleurs, au vu des différentes formes autorisées, la notification peut toujours, à notre sens, être effectuée. Les services postaux doivent en principe continuer de fonctionner même si la LRAR électronique semble être la plus adaptée à cette période (à condition naturellement de respecter la certification eIDAS et d’avoir l’accord des parties).

Nous vous rappelons que de nombreuses études d’huissiers fonctionnent et que les actes sont délivrés sans contact physique, par avis de passage déposé dans la boite aux lettres et dépôt de l’acte à l’étude. Le mécanisme est prévu par les articles 656, 657 et 658 du Code de procédure civile et vaut signification. La Chambre nationale des huissiers de justice a également mis en place un service adapté à la période actuelle : SECURACT. Il permet la signification des actes d’huissier de justice par le biais de signature électronique qualifiée et d’archivage électronique à valeur probante.

SUR QUOI PORTE LE DROIT DE PRÉEMPTION ?

Sur le local que le locataire occupe ; on ne propose au locataire que l’assiette de son bail.

LE LOCATAIRE QUI A BÉNÉFICIÉ D’UN DROIT DE PRÉEMPTION EN VERTU D’UN CONGÉ POUR VENDRE (ART. 15 DE LA LOI DU 6 JUILLET 1989) BÉNÉFICIE-T-IL D’UN DROIT DE PRÉEMPTION EN VERTU DE L’ARTICLE 10 DE LA LOI DU 31 DÉCEMBRE 1975 ?

Non, on purge uniquement le droit de préemption prévu par l’article 15.

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LE LOCATAIRE DOIT-IL ÊTRE PRÉSENT AU MOMENT DE LA DIVISION OU DE LA SUBDIVISION DE L’IMMEUBLE ?

Oui, le locataire ne bénéficiera pas du droit de préemption prévu par l’article 10 de la loi du 31 décembre 1975 s’il n’était pas présent au moment de la division ou de la subdivision de l’immeuble (décision du conseil constitutionnel n° 2017-683 QPC du 9 janvier 2018).

LA RÉPONSE DU LOCATAIRE EST-ELLE SOUMISE À UN FORMALISME ?

Non, à aucun formalisme mais le locataire doit impérativement répondre dans un délai de deux mois ou un mois et la preuve doit pouvoir être rapportée.Cependant, l’article 2 de l’ordonnance, prévoit que :

« Tout acte, recours, action en justice, formalité, inscription, déclaration, notification ou publication prescrit par la loi ou le règlement à peine de nullité, sanction, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité, irrecevabilité, péremption, désistement d’office, application d’un régime particulier, non avenu ou déchéance d’un droit quelconque et qui aurait dû être accompli pendant la période mentionnée à l’article 1er sera réputé avoir été fait à temps s’il a été effectué dans un délai qui ne peut excéder, à compter de la fin de cette période, le délai légalement imparti pour agir, dans la limite de deux mois.

Il en est de même de tout paiement prescrit par la loi ou le règlement en vue de l’acquisition ou de la conservation d’un droit.

Le présent article n’est pas applicable aux délais de réflexion, de rétractation ou de renonciation prévus par la loi ou le règlement, ni aux délais prévus pour le remboursement de sommes d’argent en cas d’exercice de ces droits ».

La période mentionnée à l’article 1er correspond à la période allant du 12 mars au 23 juin 2020 inclus.

Cet article s’applique-t-il au droit de préemption du locataire ? L’hésitation est permise.

Dans la FAQ du CSN, on lit notamment que le délai de préemption est exclu du champ d’application de l’article 2 car il s’agit d’un délai de réflexion. Cela étant, le rapport au Président de la République (v. rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance n° 2020-427 du 15 avril 2020 portant diverses dispositions en matière de délais pour faire face à l’épidémie de covid-19) précise que les délais de réflexion sont des « délais avant l’expiration desquels le destinataire d’une offre contractuelle ne peut manifester son acceptation ». Or, en matière de droit de préemption, le mécanisme est inverse : le locataire doit agir durant le délai qui lui est offert.

Puisque diverses interprétations peuvent être retenues, il nous paraît d’évidence plus prudent d’essayer d’obtenir une renonciation expresse du locataire avant de conclure la vente au profit d’un tiers acquéreur.

 

A défaut :

Si le locataire refuse de répondre explicitement, suivant une analyse littérale du rapport au Président de la République (précit.), nous considérons que le mécanisme de l’article 2 doit être mis en œuvre :

  • Si le locataire s’est vu notifier son droit de préemption avant le 12 mars et que la fin du délai a lieu entre le 12 mars et le 23 juin 2020.
  • Ou si le locataire se voit notifier son droit de préemption entre le 12 mars et le 23 juin 2020 et que la fin du délai a lieu entre le 12 mars et le 23 juin 2020.

Le locataire pourra préempter jusqu’au  24 juin 2020 + délai légal (2 mois ou 1 mois en l’espèce). Donc jusqu’au 23 août (ou 23 juillet). A compter du 24 août (ou du 24 juillet), le locataire n’aura plus la possibilité de préempter.

QUEL EST LE DÉLAI DE RÉALISATION DE LA VENTE ?

La vente doit être réalisée dans un délai de deux mois ou quatre mois (si le locataire recourt à un prêt), à compter de la date d’envoi de la réponse du locataire.

Mais, toujours en vertu de l’article 2 de l’ordonnance, tout acte prescrit par la loi à peine de déchéance d’un droit quelconque et qui aurait dû être accompli entre le 12 mars et le 23 juin 2020 sera réputé avoir été fait à temps s’il a été effectué dans un délai qui ne peut excéder, à compter de la fin de cette période, le délai légalement imparti pour agir, dans la limite de deux mois.

EXEMPLE :

Si la vente doit être réalisée au plus tard le 20 mai (on est bien entre le 12 mars et le 23 juin), elle pourra être réalisée jusqu’au 23 août, que le locataire souhaite ou non recourir à un prêt (car l’article 2 prévoit une limite de deux mois). 24 juin + 2 mois = 23 août. A compter du 24 août, la vente ne devra plus être réalisée au profit du locataire.

MAËVA FLEURY
(CONSULTANTE AU CRIDON NORD-EST)